Le Rami Pastoral, un jeu sérieux pour partager, discuter et adapter les pratiques pastorales.

1. Le Rami Pastoral, présentation

A l’origine, il y a le Rami fourrager ®, créé par l’INRA (Guillaume Martin, Mathilde Piquet) et l’Institut de l’Elevage (Jean-Christophe Moreau) pour l’accompagnement collectif des éleveurs et la formation agricole, sur des problématiques touchant le système fourrager. En collaboration avec eux et avec la contribution de stagiaires, Fabienne Launay (IDELE) et Magali Jouven (EC en zootechnie et pastoralisme à l’Institut Agro / Montpellier SupAgro) ont transformé l’outil pour qu’il corresponde aux caractéristiques et aux enjeux des systèmes pastoraux, tout en gardant les mêmes fonctions.

Le Rami Pastoral est un jeu sérieux associant un support visuel « papier » et un simulateur / calculateur informatique sous excel. Il vise à stimuler les discussions au sein d’un petit groupe (éleveurs, conseillers, étudiants) autour des pratiques d’alimentation dans des élevages à composante pastorale. Le Rami Pastoral fournit une représentation fonctionnelle de l’élevage, centrée sur la conduite du pâturage et de l’alimentation. Il met l’accent sur la diversité et la saisonnalité des ressources pastorales et des besoins du troupeau. Il incite à identifier et mobiliser la biodiversité pour concevoir des systèmes économes et autonomes. Les participants sont encouragés à exprimer et débattre de la valeur des ressources pastorales, de leurs possibilités d’utilisation, des pratiques de pâturage et des stratégies d’alimentation ou d’utilisation des surfaces.

Le plateau de jeu est subdivisé en deux espaces distincts par un calendrier découpant l’année en 24 périodes de 15 jours. Au-dessus de ce calendrier, se trouve une zone dédiée à la représentation de l’utilisation de la diversité des surfaces. On y positionne des baguettes « ressource » donnant par grand type de végétation les modes d’exploitation (fauche, pâturage, mode de prélèvement) appliqués au cours de l’année, en précisant au feutre effaçable les surfaces associées à chaque baguette, c’est-à-dire à chaque association « végétation x usage ». L’accent est mis sur la diversité des surfaces pastorales (pelouses, landes, bois) et sur le pâturage. En-dessous du calendrier, se trouve une zone dédiée à la représentation de l’alimentation du troupeau. On y identifie les lots, leur composition, leur taille et leurs stades physiologiques au cours du temps, en utilisant des cartes animaux et en complétant par des annotations au feutre effaçable. On utilise des cartes « ration » (type de surface pâturée, type de complément apporté) pour décrire la composition de l’alimentation de chaque lot, au fil du temps.

La représentation ainsi construite sur le plateau est traduite (en général par le technicien ou l’enseignant) dans le simulateur/calculateur sous excel, en y ajoutant quelques données chiffrées (part des différentes ressources fourragères dans la ration). Le simulateur fournit une évaluation à deux niveaux. A l’échelle de chaque lot, on identifie la part des différentes ressources fourragères dans l’alimentation au cours de l’année, la satisfaction ou non des besoins du lot et par conséquent les variations probables d’état corporel.

A l’échelle du système, des indicateurs de stratégie alimentaire (taux de pâturage, taux de pastoralisme, quantité de fourrages et concentrés distribués) et d’autonomie fourragère sont proposés. Ces indicateurs et les représentations graphiques associées sont « classiques » pour les élevages pastoraux et cohérents avec d’autres outils (stratpasto, par exemple). En complément, il est possible d’estimer, pour les parcours, la part de la ressource utilisable réellement consommée, et la présence ou non d’au moins une utilisation complète au cours de l’année. Ces éléments renseignent sur les évolutions probables des végétations pastorales, sur le long terme.

( taux de pâturage et taux de pastoralisme, quantité de fourrages et concentrés distribués, autonomie fourragère, etc…). Et cerise sur le gâteau, on va pouvoir grâce à lui réaliser des simulations et des adaptations.

 

2. Une utilisation possible pour différents publics

Le Rami Pastoral se veut un outil d’accompagnement collectif pour des publics d’éleveurs. D’après les essais réalisés jusqu’ici, il semble particulièrement utile pour des personnes peu familières avec la gestion pastorale (souhaitant s’installer ou envisageant un redéploiement pastoral) ou alors pour des éleveurs souhaitant revoir leur système d’alimentation en fonction d’aléas climatiques ou de changements dans les surfaces utilisées. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est son utilisation dans un cadre pédagogique, en mobilisant des cas concrets.

 

3. Utilisation pédagogique du jeu

Le Rami Pastoral peut être avantageusement mobilisé dans l’enseignement agricole. Si le support informatique reste assez lourd et long à renseigner, la composante « physique » (cartes + baguettes + plateau) représente un support innovant et ludique permettant de stimuler les discussions au sein de petits groupes d’élèves ou d’étudiants, autour de questions concrètes mais simples.

En pratique, un atelier pédagogique de Rami Pastoral nécessite d’être préparé par l’enseignant avec (ou sans) l’aide du support informatique, puis réalisé par les étudiants en mobilisant les supports physiques. Éventuellement, l’enseignant peut utiliser le simulateur et proposer les indicateurs et représentations graphiques aux étudiants, prenant ainsi le rôle du technicien dans les ateliers réalisés avec des éleveurs. Cependant, le plateau peut aussi être utilisé seul ; dans ce cas, l’atelier peut être l’occasion de faire calculer, manipuler et représenter aux étudiants un certain nombre de variables synthétiques caractérisant des pratiques de pâturage ou un système d’alimentation.

Un atelier «Rami Pastoral » peut trouver sa place dans le cadre d’enseignements spécifiques au pastoralisme, pour toucher du doigt les aspects techniques du pâturage sur parcours (saisonnalité des ressources pastorales, modes de prélèvement au pâturage, modes d’exploitation parcellaires, taux d’utilisation des parcours, …), mais aussi dans le cadre d’enseignements plus génériques sur l’élevage, comme support d’une activité pratique permettant de manipuler les concepts et composantes associés aux systèmes d’alimentation d’herbivores (diversité animale et végétale, chargement et chargement instantané, chaîne de pâturage, composition de la ration, besoins quantitatifs et qualitatifs des animaux, …).

L’enseignant peut aussi mobiliser le Rami Pastoral (et en particulier le support informatique) pour concevoir des illustrations mobilisables dans le cadre de cours ou travaux dirigés « classiques ». En effet, à partir d’informations simples telles que l’on peut trouver dans les cas-type Inosys-Réseaux d’élevage (disponibles sur le site internet de l’IDELE) ou dans des comptes-rendus d’enquêtes en exploitation, en simplifiant ou complétant un peu si nécessaire, les bases de données incluses dans le support informatique doivent permettre de concevoir un modèle illustré et chiffré de cas d’étude. A cet effet, l’enseignant peut également, si besoin en interaction avec la Chambre d’Agriculture locale ou d’autres structures compétentes, modifier ou compléter les références proposées pour inclure des situations proches des zones d’étude habituellement prospectées avec les étudiants.

 

4. Un jeu utilisable à plusieurs niveaux d’enseignement

Le rami pastoral a été testé auprès de plusieurs publics scolaires :

­- en BPREA , notamment au CFPPA de Die

– auprès d’étudiants ingénieurs, en  écoles d’agro à Montpellier et à Toulouse

– auprès des licence pro GENA (gestion agricole des espaces naturels) de l’institut Agro de Florac en 2018, 2019 et 2020.

Le jeu peut être utilisé à partir du niveau bac jusqu’à bac+5, avec une possibilité de jouer à 4 niveaux différents, allant depuis la description d’un cycle de production et d’alimentation jusqu’à la conception d’un système d’alimentation pastoral. Selon les niveaux, le plateau pourra être rempli en partie ou en totalité, et le simulateur pourra ou non être mobilisé.

Verbatim d’étudiants :

« ça montre la complexité de l’ensemble du système, et comment tout est interdépendant »

« ça nous fait nous poser plein de questions et mieux comprendre le systèmes : on galère un petit peu au début, puis on commence à comprendre comment les cartes s’emboîtent les unes aux autres »

« ça permet de mettre en lien les différents éléments qu’on a vus en cours de manière déconnectée les uns des autres , ça les met en système »

« c’est une approche systémique visuelle et facile à assimiler »

« ça peut permettre de comprendre la logique d’un éleveur sur la conduite qu’il a avec ses animaux »

 

5. Des documents et des formations pour les enseignants

Un mode d’emploi détaillé du jeu est disponible, ainsi qu’un livret pédagogique qui reprend de manière détaillée ce qui a été expliqué ci-dessus. Il est prévu d’y ajouter des exemples de système « clé en main »  suivant le niveau auquel on s’adresse. Ces documents sont disponibles à l’Institut Agro de Florac, il suffit d’en faire la demande à Nathalie Bletterie ou à Sylvie Robert (@ supagro.fr).

Mais pour bien comprendre le jeu rien ne vaut la pratique, c’est pourquoi des formations seront proposées dès 2021 à l’Institut Agro de Florac dans le cadre du PNF, sur un format de trois jours. Elles allieront théorie sur les systèmes pastoraux, apprentissage du jeu, débat sur les façons de l’utiliser en classe, et enfin réflexion sur la mise en projet au retour sur site. Si vous êtes intéressés vous pouvez d’ores et déjà vous manifester à cette adresse mail : marie-ange.armanet@supagro.fr

 

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