Au Québec, une armée de paysans bio-leaders en devenir. Un nouvel article d’Opaline Lysiak.

Au Québec, mon réseau agricole naissant m’amène à la Ferme-école du Cégep de Victoriaville, où poussent fruits et légumes bio, fertilisés par beaucoup de créativité, et où germent les projets d’apprentis paysans prêts à conquérir les étals.

Quelques minutes m’ont suffit à prendre la température: l’ambiance est relax ET sérieuse dans la salle de planification ce lundi matin. Les 18 étudiants discutent de leur week-end autour d’une collation offerte par Maya Boivin-Lalonde, coordinatrice de formation et enseignante. A 8h pétantes, Ghislain Jutras, enseignant en charge de la ferme-école, annonce le début de la matinée de planification. Rapidement, une des étudiantes prend le relais pour organiser la semaine: point météo, opérations réalisées sur les parcelles le vendredi passé, messages à faire passer… Aux murs, une série de tableaux blancs permet de structurer les informations.

Seuls ou en équipe, tous en charge de la Ferme 3.0
Après 30 minutes de debriefing, direction les parcelles de la Ferme 3.0, pour faire le point sur chacune des 50 cultures. « Je suis en retard sur mes carottes, théoriquement il devait y en avoir pour le 2ème panier! » prévient une étudiante. Plus loin, on applaudit: les premiers pois mange-tout sont presque prêts! Pendant 2h30 se succèdent une série de « réunions en bout de planche »; on observe, on discute. « Chaque étudiant est responsable de deux cultures dans le petit jardin et d’une parcelle dans le moyen jardin et présente son diagnostic aux autres en début de semaine » m’explique Ghislain. Toute l’équipe – profs inclus – peut ainsi être au courant de l’évolution des plantes qui, en ce début d’été, poussent à toute vitesse. Moment idéal aussi pour questionner les profs sur les aspects techniques à approfondir. « Est-ce qu’on peut appliquer notre propre purin sur des tomates bio? »

Il existe 10 CEGEP* agricoles au Québec, celui de Victoriaville est le seul à proposer une formation reconnue en bio. Le bloc ferme-école permet aux étudiants, en 2ème année, d’intégrer leurs connaissances; ils ont déjà eu une phase d’initiation théorique aux concepts de base pour gérer une ferme bio: agronomie, économie, gestion… La 3ème année est la phase d’application au cours de laquelle ils montent leur propre projet. Depuis sa création en 2003 la ferme en est à son troisième emplacement, d’où le nom de Ferme 3.0. Elle a évolué dans son contexte: situation de l’agriculture, attentes sociétales… et aussi [ ?] personnalité des enseignants. Lorsque Ghislain commence à y enseigner en 2009, c’est paré d’une belle expérience: maraîcher, globe-trotteur agricole, enseignant à l’Université de Laval… et récemment, il a pris une année pour se perfectionner dans une ferme-école aux Etats-Unis.

Ghislain n’a pas été que prof. Il connaît le métier de l’intérieur. « Je vois 4 enjeux pour mes étudiants: l’accès à la connaissance, au capital, à la terre et au marché » résume t’il. Et pour répondre à ces enjeux, la formation est organisée autour de 3 piliers/objectifs pour les étudiants:

1) Ils vivent un cycle complet de production, de la production sur toutes les saisons à la commercialisation. Ils expérimentent un panel de productions: légumière, fruitière, apicole, et un peu de grandes cultures.

2) Ils testent différents modes de production, de peu à moyennement mécanisés, et à une diversité de mise en marché, de la vente directe aux circuits-longs.

3) Ils « vivent » différents niveaux de responsabilité: de l’ouvrier au gestionnaire, et prennent de l’autonomie. « On pourrait disparaître en fin de saison et la ferme tournerait sans nous ! » Ainsi, plus la formation avance et plus l’équipe laisse la responsabilité aux étudiants d’organiser les journées sur la ferme-école. Dans la vidéo suivante, Mathias, étudiant, explique ce qui fait l’originalité de la formation :


Produire des légumes façon « bio intensif » au Québec
Le bloc de formation « ferme-école » s’étend sur 38 semaines, de janvier à octobre. L’hiver est consacré à la planification de la production, dans le temps et l’espace, et aux semis sous serre. Printemps 2018, notre promo de futurs entrepreneurs inaugure un premier cycle de production bio sur une parcelle où, en avril, il n’y avait encore rien. Sur la ferme-école il y a 2 déclinaisons: le petit jardin n’est pas mécanisé, le moyen jardin autorise le machinisme agricole. Plus précisément, le petit jardin est sous régie en « bio intensive » à l’image du système de Jean-Martin Fortier, connu pour avoir développé un modèle de ferme sans tracteur qui permet de nourrir 200 familles avec 1 ha. Aux étudiants de se forger leur opinion, de voir ce qui leur convient le mieux. Mais plus loin que l’application de connaissances théoriques sur le terrain, ils doivent aussi adopter la casquette du maraîcher-chercheur de terrain, qui expérimente pour s’adapter à un contexte qui change ultra-rapidement. « Dans le module R&D, les étudiants mènent des mini projets de recherche sur les parcelles qu’ils suivent » m’explique Maya. Ils peuvent aussi faire des propositions de nouvelles cultures. Certains [tous en fait] vont jusqu’à créer des comités thématiques, qui, encadrés par les profs, peuvent perdurer d’une promo à l’autre. Le gingembre en serre est testé par le comité exotique; la dernière vidéo de la page Facebook a été produire par Mathias, du comité communication et sensibilisation citoyenne. Une parcelle agroforestière a même été plantée l’an dernier. [Pour être précis, la parcelle agroforestière ne fait pas l’objet du travail d’un comité. Elle a été implantée dans le cours d’agroforesterie à l’automne précédent]

11h, retour en salle. Il y a du mouvement, on est curieux, on est actif, on sort une pomme ou un snack rapide avant de passer à l’action, dans les champs. Deux étudiants sont en charge de noter sur les tableaux nommés « petit jardin » et « moyen jardin » les actions pour la semaine, par ordre de priorité. On est fin juin et il faut s’activer: alors qu’ailleurs au Québec la majorité des étudiants partent en vacances, les nôtres ont un planning d’agriculteurs. La période la plus dense et intéressante, pour les cultures et la vente, est à venir, pas question de partir en vacances en été ! Les légumes produits par nos jeunes agron’Hommes maraîchers commencent à être connus par la population de Victoriaville et des environs. Ils sont commercialisés en circuits courts – kiosque du CEGEP, paniers, marché virtuel, épicerie et restaurants – et en circuit long via un distributeur spécialisé dans les produits « santé ». Là aussi, il s’agit d’explorer une diversité de mises en marché.

En fin de journée, tout le monde est cuit, et heureux. Il a fait chaud, les légumes rayonnent. En fin de saison, chaque étudiant fait un bilan de la culture dont il avait la responsabilité. «  C’est une sorte de testament, une trace écrite qui compile toutes les observations, réflexions, opérations, expérimentations de l’année. Les étudiants qui suivent peuvent y avoir accès » m’explique Ghislain, alors qu’il m’accompagne à la ferme de Sébastien Angers, où je resterai pour la suite de mon séjour au Québec.

Une demande sociétale
Ce n’est pas évident de conclure en une journée. Mais un indicateur m’oblige à tirer un bilan plus que positif: sur la ferme école, ça sent l’humus et la passion. Le visage des étudiants est 75% du temps illuminé par un sourire rayonnant – peut être aussi parce qu’il faisait soleil ce jour là. Et dans les champs, chez les anciens élèves qui sont agriculteurs « pour de vrai » on ressent aussi les bonnes ondes. Les compétences techniques, organisationnelles et les qualités humaines des enseignants y sont pour beaucoup dans le succès de la formation. Le rôle de chacun, l’organisation de la semaine, des journées, sont bien définis; il n’y a pas de « flou » mais il y a droit à l’erreur du moment qu’elle fait avancer. L’équipe a construit – non sans efforts – un cadre flexible où chacun peut exprimer sa créativité. Un terreau fertile qui permet à des jeunes, ambitieux de sauver le monde à leur échelle, de faire germer leurs projets, et de répondre, munis de grelinettes, de binettes, de créativité et de pragmatisme, à une vraie demande.

Car oui, les Québécois ont faim de local, de bio, et de lien au producteur. Ce que j’ai appris à la Ferme-école du Cégep de Victoriaville, c’est que la liberté et la créativité des étudiants peuvent être égales, voir meilleures, lorsque les enseignants prennent le temps de créer un environnement clair qui permet de les exprimer.

Opaline Lysiak

Plus d’informations sur

*Les CEGEP agricoles sont, en gros, l’équivalent de nos EPLEFPA, combinant formation initiale post et pré-bac, et formation continue.

 

Retrouvez Opaline et Les Agron’Hommes sur YouTube, Facebook.

 

Lire tous les reportages d’Opaline sur Pollen :

  • La pédagogie Danoise appliquée en Pologne, l’exemple unique d’une formation en agriculture bio près de Varsovie.
  • Ma découverte de l’éducation intégrale : grandir en conscience et créer avec les autres.
  • Apprendre à être agriculteur au Japon.
  • Au Québec, une armée de paysans bio-leaders en devenir.

 




Interview de Sylvain Connac sur la coopération et l’innovation

En prolongement de la journée académique de l’innovation qui s’est déroulée à Besançon le mercredi 30 mai 2018 sur le thème de la coopération, nous vous proposons de découvrir une interview de Sylvain Connac, docteur en Sciences de l’Éducation, enseignant chercheur à l’Université Paul Valéry de Montpellier, réalisée par Canopé.

Il place de l’innovation pédagogique à trois niveaux : de nouvelles pratiques, un travail au niveau de l’établissement et un niveau individuel.
 

A retrouver sur le site du cardie

 

Ouvrage : La coopération entre élève

PDF : Apprendre avec les pédagogies coopératives

 

 




« 1 2 3, 4 filles aux fourneaux » : un projet cooperatif pour developper la capacite professionnelle « realiser des activites de vente » en classe de capa sapver à Ahun.

EN CAPa SAPVER, faire réaliser des ventes aux élèves ou aux apprentis en établissement, c’est assez ordinaire. Mais quand le projet de vente est pensé pour responsabiliser les apprenants et leur faire prendre en main le projet de bout en bout, pour permettre d’apprendre en faisant et pas juste de faire, alors la dynamique est différente.

A Ahun, les apprenties répondent au défi de proposer et mettre en place un projet consistant à vendre aux pauses du matin et de l’après-midi des boissons et de la nourriture en privilégiant des produits locaux, de qualité et les filières courtes. Elles baptisent leur projet « Filles aux fourneaux ».

Ce projet représente une véritable illustration de la pédagogie Freinet : en effet, non seulement les apprenties produisent pour d’autres, mais elles le font ensemble, dans la coopération et elles construisent les techniques et les connaissances qui sont nécessaires à l’avancée de leur projet. Les regards et la place de chacun, apprentis et adultes, évoluent au fur et à mesure.

 

 

 

 

 




Réalité virtuelle en cours d’anglais au lycée agricole du Bourbonnais.

La réalité virtuelle est une technologie informatique qui permet de simuler la présence physique de l’utilisateur dans un environnement artificiel. Elle a été créée pour reproduire une expérience sensorielle, en premier lieu celle de la vue et de l’ouïe. Grâce aux casques, l’utilisateur a une vision à 360° qui peut être associée à un dispositif audio (écouteurs ou enceintes) : lorsqu’il tourne la tête, l’image tourne en même temps. Il voit tout ce qui se passe autour de lui et entend les bruitages.

A l’épreuve d’anglais, en bac professionnel ou général, une partie de l’épreuve orale consiste à décrire l’image présentée. Cette description doit être conséquente en terme de contenu, car souvent les élèves ont beaucoup moins de choses à dire sur la partie analyse du document. L’ensemble des apprenants a mal à décrire des lieux de tous les jours, souvent par manque de vocabulaire, et car ils ne le font pas souvent à l’oral.

Pour cela un enseignant d’anglais du lycée agricole du Bourbonnais, lycée engagé dans un projet régional « Lycée numérique 3.0 » et dans une expérimentation pédagogique validée par la DRAAF AUvergne Rhône Alpes, a développé l’usage d’un casque de réalité virtuelle.

 

A découvrir en détail sur Pollen

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




La twictée en classe de 4ème au lycée agricole du Bourbonnais

Le lycée agricole du Bourbonnais est engagé dans un projet régional « Lycée tout numérique » et dans une démarche d’expérimentation pédagogique suivie par la DRAAF SRFD Auvergne Rhône Alpes.

Dans ce cadre David Simonin, Découvrez en détail le fonctionnement de cette dictée collaborative sur Twitter.

 

 

 

 

 

 

 

 




« J’apprends l’anglais viticole autrement  » au lycée viticole d’Orange.

Au Lycée Viticole d’Orange, l’enseignement de l’anglais s’appuie sur des jeux sérieux, développés par des enseignantes du lycée. Ces jeux ont déjà fait l’objet d’une présentation sur Pollen.

Des partenariats avec Inter Rhône, le centre d’expérimentation sur les vins rhodaniens et la DRAAF PACA permettent aux élèves motivés issus de toutes classes, du Bac Pro au BTS, d’approfondir de façon ludique ou plus individualisée leurs bases en anglais, en binômes, ateliers de jeux sérieux, travail individualisé devant l’ordinateur…

Découvrez en détail ce projet ambitieux !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Quand des étudiants revisitent le rapport aux savoirs à l’Institut des Régions Chaudes de Montpellier : La vidéo !

Depuis 2013, les étudiants de l’Institut des Régions Chaudes de Montpellier prennent intégralement en charge un jardin en agroécologie. Espace d’investigation pratique, d’initiative, d’apprentissage, de lien social entre eux et avec l’extérieur, ce jardin ne manque pas d’étonner. Géré et animé par les étudiants eux même il n’en constitue pas moins un véritable creuset de réflexion concrète pour tout le monde, et interagit très positivement avec les personnels et les projets de l’institut.

La vidéo qui dit tout !

Jardin-IRC from Institut de Florac on Vimeo.

Ce film présente le déroulement d’un atelier intitulé : « Jardin partagé agroécologique de l’Institut des Régions Chaudes, les étudiants revisitent le rapport au savoir » qui fut organisé au Lycée d’Enseignement Général et Technologique Agricole de Montpellier Agropolis pendant les Rencontres interrégionales 2017 des Directeurs d’exploitation agricole (DEA)-Directeurs d’ateliers technologiques (DAT), référents Enseigner à produire autrement (EPA), Tiers Temps et chefs de projet du Grand Sud sur la thématique :
« Transitions agro-écologiques dans l’enseignement agricole : mobiliser, accompagner, agir et capitaliser ».

 

Découvrez sur Pollen le fonctionnement original de ce jardin collectif et agroécologique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




L’agroécologie en capsule vidéo, au Lycée de la Germinière et avec l’ENSFEA.

Après avoir évoqué l’origine de l’agroécologie et présenté ses fondements scientifiques à travers des exemples concrets, la vidéo présente ce que l’agro-écologie change pour l’agriculteur et plus largement pour la société, mais aussi pour l’enseignant.

Il ne s’agit plus d’enseigner une méthode, mais de former les apprenants à observer et s’adapter.

 

Cette capsule vidéo est  réalisée par Cyril Dagorne et Lucie Lejeanne, du lycée de la Germinière au Mans, dans le cadre d’un master MEEF, sous la direction de Laurent Fauré, Cécile Gardies et Sylvie Sognos de l’ENSFEA de Toulouse.

Retrouvez davantage de détails sur la présentation complète de cette action.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Apprendre à être agriculteur au Japon : un reportage d’Opaline Lysiak.

Opaline Lysiak est enseignante en agronomie au lycée agro-environnemental d’Arras. Elle a choisi de partir un an, de septembre 2017 à septembre 2018, à la rencontre des agriculteurs et enseignants dans 12 pays différents. Elle publie régulièrement sur Pollen des articles sur les pratiques pédagogiques étrangères, repérées pour leur caractère original, inspirant ou innovant (voir la page Tour du monde Agro-écologie).

Apprendre à être agriculteur au Japon

La population agricole japonaise vieillit sans renouveau. Politique agricole, prix des denrées agricoles, crise de natalité, appel des jeunes vers des métiers soit-disant plus gratifiants et moins pénibles… Les raisons de cette perte de dynamisme dans les campagnes sont multiples. Et si la pédagogie dans l’enseignement agricole avait sa part de responsabilité?

Cet article explore des établissements d’enseignement agricoles qui utilisent des méthodes « alternatives » par rapport au système éducatif japonais classique.

Photo 1: les étudiants en pleine plantation de riz sur la ferme du lycée. Sur la droite, Mathilde Astier, journaliste agricole française qui m’a rejoint au Japon pour 1 mois, avec Ryoko, journaliste pour l’association Ainou Kai.

En 2016, 9% de la population du Japon est agricole et l’âge moyen des agriculteurs est supérieur à 65 ans. Pourtant, la formation agricole est très présente dans le pays. Il y a 320 lycées agricoles publics, et il existe aussi dans chaque préfecture une formation en 2 ans, qui ressemble un peu à notre BTS, pour devenir agriculteur. « Pour moi, l’enseignement qui y est donné est très classique à la fois sur la manière d’enseigner et les techniques agricoles » explique Shimpei Murakami, agriculteur bio et enseignant (voir plus loin). En combinant les chiffres de diverses sources, j’ai conclu que 2% environ des jeunes deviennent agriculteurs à l’issue de leur formation.
 

 Une nation nippone de paradoxes… agricoles

Les exploitations s’agrandissent, se modernisent de manière extrême (on parle de « zombification » de l’agriculture japonaise ») ou sont laissées à l’abandon. La formation agricole serait-elle inadaptée aux enjeux d’aujourd’hui et demain? Voici des éléments pour mieux comprendre le contexte:

> La transmission des savoirs pratiques se fait encore majoritairement de père en fils avec peu d’apport de connaissances nouvelles, adaptées aux enjeux actuels et notamment l’agroécologie. Ce n’est pas obligatoire d’avoir un diplôme agricole pour être agriculteur, et ceux qui sortent de l’université d’agriculture vont souvent travailler pour des entreprises agricoles, multinationales, ou pour le gouvernement.

> C’est difficile pour un agriculteur japonais de proposer, tester et développer quelque chose de différent; l’opinion des voisins est importante et on peut être rapidement exclu de la communauté. Les japonais, en partie du fait de la longue histoire du shintoïsme, ont un sentiment d’appartenance très fort à une origine familiale unique. Le peuple japonais est un peuple soudé et harmonieux mais avec en contrepartie une difficulté à s’ouvrir à l’originalité.

> Les Japonais respectent l’autorité, suivent les règles imposées par un supérieur, qu’il soit le chef d’entreprise ou l’enseignant et en général le sens de l’initiative est peu développé. « Nous ne sommes pas bons pour mener de bonnes réunions où l’échange des opinions est réel, conclut Ryoko Tsuboi, qui gère la revue d’une association d’agriculteurs bio. Et les fonctionnaires du Ministère de l’Agriculture sont très stricts et l’innovation pédagogique a peu de place ».

La solution réside en grande partie dans l’éducation, la création d’un terreau fertile dans lequel les jeunes peuvent découvrir à quel point la production alimentaire est à la base de tout. Dès lors, comment former des futurs agriculteurs qui produisent de manière agroécologique, en étant capable d’innover, de prendre des décisions de manière holistique, de s’impliquer dans la vie de leur communauté et dans les instances politiques?

 

Quand l’amour de l’agriculture passe avant la technique

Après 10 mois de voyage et 10 pays, je découvre pour la première fois un lycée agricole où les étudiants sont autosuffisants à 70%. « Le fondateur de l’école estimait que pour répondre aux enjeux alimentaires du Japon, la base était que tous les étudiants apprennent à aimer l’agriculture, explique Aki, qui gère l’internat de filles. Ils doivent développer leur capacité à aimer à travers l’action de produire la nourriture ». C’est cette idée qui a fait naître Ainou High School il y a 55 ans. En Japonais, « Ai » =  « aimer » et « nou » = « agriculture ».

Aujourd’hui 60 jeunes de 15 à 18 ans apprennent l’agriculture à Iga, village situé à 1h30 de Kyoto. « Le travail aux champs a une place importante dans l’emploi du temps des jeunes, parce qu’ils doivent se réaliser à travers l’agriculture et savoir ce que cela représente réellement » explique Michiyo Izumikawa, vice présidente de l’école et professeur de musique.

Photo 2: le nom du lycée « Ainou » veut dire « Aimer l’agriculture »

« Les profs doivent aimer l’agriculture pour pouvoir le diffuser aux étudiants. Il y a un but commun » ajoute Ryoko. Dans nos lycées agricoles français, l’équipe pédagogique n’est pas choisie, formée pour transmettre cette passion et conserver cette vision commune.

 

Les étudiants de 2ème année enseignent aux 1ère année

Ce sont les jeunes qui gèrent la ferme, encadrés par des enseignants ou des employés de la ferme., divisée en 6 sections: fruits, légumes, vaches laitières, cochons, poulets, céréales. Alors que nous participons à la plantation de riz, Tasho explique à ses camarades de 1ère année comment positionner les plants de riz dans le champ. « Cela me faisait bizarre d’expliquer à la place du prof, mais en fait expliquer me permet aussi de mieux mémoriser et perfectionner la technique ».

« Beaucoup de jeunes japonais sont isolés aujourd’hui, ils passent leur temps dans leur chambre et deviennent des adultes qui ne sont pas capables de communiquer avec les autres, explique Shimpei, agriculteur qui enseigne l’agriculture naturelle. Ici, tout le monde, étudiants, enseignants, vit ensemble; la connexion avec les autres et la nature est très forte »

 Shimpei est président d’Ainou Kai, l’association d’agriculteurs bio qui est à l’origine de la création du lycée du même nom. Dans la vidéo suivante, il explique que les étudiants doivent d’abord prendre conscience des connaissances qu’ils ont déjà avant d’aller plus loin. « Souvent ils ne réalisent pas qu’ils ont déjà des savoirs et qu’ils doivent les connecter avec ce dont on parle en classe. Ils doivent prendre du recul par rapport à ce qu’ils pensent et apprendre à critiquer leur pensée ». Shimpei enseigne l’agriculture naturelle quelques heures par semaine et accueille une quantité impressionnante de stagiaires chaque année sur sa ferme. Avec Mathilde Astier, qui m’a rejoint pendant la partie nippone de mon périple, nous avons pu y être volontaires pendant 5 jours.

 

 « Les agriculteurs japonais sont vieux et il faut que les jeunes prennent la relève c’est pourquoi Ainou est si importante car elle forme des agriculteurs passionnés prêts à prendre la relève » explique Yoku, enseignant, pendant la séance de plantation de riz.

Dans cette vidéo, 8 étudiants témoignent de leur intérêt pour l’agriculture et expliquent leurs projets, pour la plupart agricole, une fois qu’ils auront terminé leur formation. 

 « Je fais partie de la 11ème promo et à cette époque 80% des étudiants devenaient agriculteurs. C’est 50% aujourd’hui et toujours beaucoup plus que les lycées agricoles publics du japon, ou c’est plutôt 3% » rappelle Shimpei.

Ambiance internationale et vie en communauté à l’Asian Rural Institute

Trois jours à l’Institut Rural Asiatique (ARI) nous ont suffit pour comprendre en quoi ce centre de formations pour leaders ruraux en agriculture bio est vraiment original. Les étudiants âgés de 25 à 60 ans viennent de pays du Sud, avec en tête l’idée de se former pour mieux mener les projets liés à l’agriculture bio dans leur pays. S’imaginant une formation universitaire classique, certains sont choqués lorsqu’ils débarquent sur place et doivent travailler 3 heures par jour dans les champs pour produire la nourriture qu’ils mangeront pendant 1 an. « Learning by doing » est le crédo de Yukiko, qui explique la philosophie et la pratique de la pédagogie à l’ARI dans cette vidéo:

Découvrez un peu plus l’ambiance et la raison d’être de l’ARI à travers cette vidéo « échantillon » des participants et leurs projets et l’article de Mathilde Astier sur agrophlia.fr.
  

Formation agricole du dimanche pour adultes en reconversion

 60 étudiants âgés de 20 et 70 ans qui viennent apprendre les bases de l’agriculture le dimanche. Voilà le projet du « Small Farmers College » créé par Yoshitaka Iwasaki, ancien créateur de logiciels. « J’ai ressenti en moi, au bout d’un moment, que la vie virtuelle était fausse et qu’il fallait que je me reconnecte aux bases: l’agriculture, le sol, explique t’il tout en jetant à oeil à ses étudiants, en plein repiquage de tomates. J’ai démarré mon activité en tant que consultant agricole puis en créant le concept « My farm » pour valoriser les terrains agricoles non utilisés auprès de citadins qui souhaitent produire à petite échelle pendant leur temps libre ». Après quelques temps il réalise que, pour donner une envergure commerciale à leur production agricole et pour approfondir leurs connaissances, il faut passer à un niveau supérieur. C’est comme ça qu’est né le Small Farmer College.

Photo 3: Un dimanche sur la parcelle de pratique du Small Farmer College. Dans le fond, les étudiants suivent un cours sur les ravageurs de la tomate avant de repiquer leurs plants.

Le public de cette petite école agricole du dimanche se compose en grande partie de citadins qui conservent leur emploi et se forment aux bases de la production maraîchère pendant le week-end. Certains visent l’auto-suffisance, d’autres la commercialisation. Mais tous ont en commun ce ras-le-bol du style de vie citadin, ce désir de retour à la terre, et suivent leur formation avec dévouement. Lors de notre passage, nous avons clairement ressenti cette motivation, notamment à travers les questions des étudiants, nombreux à vouloir venir en France pour développer leurs connaissances agricoles…

 

 

Le réseau des Agron’Hommes prend une envergure internationale !

 Photo 4: l’équipe pédagogique et les étudiants d’Ainou découvrent le projet des Agron’Hommes (avril 2018).

 

Prenez part au projet Les Agron’Hommes pour que vos étudiants partagent l’agroécologie autour de projets pédagogiques innovants avec des agriculteurs du monde entier !

 

 

 




Education nationale : Retour sur la huitième édition de la Journée nationale de l’innovation 2018

Plus de 300 personnes ont participé à l’événement en présence de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et de Muriel Pénicaud, ministre du travail. Cette journée a permis, comme chaque année de valoriser la capacité d’expérimentation et d’innovation du système éducatif et encourager l’inventivité des personnels de l’éducation nationale.

Vous pouvez retrouver les lauréats de cette huitième édition sur le site eduscol.

Le Top 30 des innovations pédagogiques 2018, en pdf.

 

Également un podcast sur theconservation.com , débat qui réunit des praticiennes de l’innovation à l’école : Isabelle Robin, Amélie Vacher et Nadia Lépinoux-Chambaud.

 

A la fin de la journée, François Taddéi a remis aux trois ministres son rapport : Un plan pour co-construire une société apprenante.