Résultat des innovations

La médiation animale pour accompagner la réussite de tous les apprenants à l’EPL Nature de la Roche sur Yon

Lycée Nature, Pays de la Loire

Allée des Druides

 85000 La Roche Sur Yon

Tél : 0251098282
Site web : https://www.lyceenature.com/
Responsable : Patricia Darjo , patricia.darjo@educagri.fr
Rédacteur de la fiche : François Guerrier, Nathalie Bletterie, l’Institut Agro Eduter, Chargé.es de mission d’appui pédagogique à l’enseignement agrciole
, francois.guerrier@institut-agro.fr
Chef de projet : Xavier Bonniez CPE CFA et Rodolphe Lambert CPE Lycée , xavier.bonniez@educagri.fr

DESCRIPTION SYNTHETIQUE DE L’ACTION

Introduction

Quand les outils « ordinaires » ne suffisent pas, ne suffisent plus, ou ne sont tout simplement pas adaptés, comment recréer le lien éducatif et pédagogique avec certains jeunes pour les amener à construire des capacités pour réussir ? Comment aider ces jeunes pour qui les montées en tension qui amènent parfois conflictualité et l’insolence, mais démobilisation, sont « plus fortes que [nous]  » ?

Pour ces différentes voies de formation, le lycée Nature de la Roche sur Yon propose  un dispositif de médiation animale complémentaire à ses différentes actions visant l’accompagnement social des jeunes.

L’idée générale pour les acteurs impliqués est de considérer qu’il convient d’aider les jeunes à se doter des capacités dont elles et ils ont besoin pour réussir : gérer son stress pour les examens, essayer de comprendre d’où vient son état de tension et d’énervement pour le réguler, se construire des routines pour s’apaiser, etc…

Aussi, quand les dispositifs et leviers d’actions traditionnels (entretiens, sanctions, cours, parents, amis, patron,) ne sont pas ou plus opportuns, les acteurs éducatifs proposent cette option aux jeunes et à leurs familles ou maîtres d’apprentissage. Et cela fonctionne. Tant pour « s’apaiser », que de prendre de la distance sur le « pourquoi j’ai besoin de faire l’intéressant », mais aussi au-delà de mettre des mots sur le bien-être que procure le fait d’être avec l’animal.

Le témoignage ci-après vous propose de mieux comprendre comment fonctionne cette action de médiation animale, avec une opérationnalisation un peu différente entre le lycée et le CFA. Des vidéos des principaux intéressés illustrent ce témoignage.

1- C’est quoi la médiation par l’animal à l’EPLEFPA de La Roche sur Yon ?

1-1 L’origine de l’action

L’action s’est mise en place il y a 6-7 ans, à l’initiative d’une formatrice du CFPPA (formation pour adulte) qui a proposé ses services à l’établissement pour travailler sur des situations complexes, qui ne pouvaient se dénouer dans un contexte ordinaire de confrontation et de face à face. Alors directeur du lycée Nature, Daniel Greiner a tout de suite soutenu cette approche innovante en créant les conditions pour débusquer quelques moyens et expérimenter l’action. Initiée dans un premier temps au CFA, l’action a été diffusée à l’ensemble de l’EPL comme étant une volonté de l’établissement de proposer un élément pour accompagner les apprenants de façon un petit peu différente des activités déjà pratiquées dans l’établissement. Comme le mentionne Xavier Bonniez « L’idée c’était d’avoir une pédagogie innovante, de tester un outil vraiment intéressant pour aborder vraiment beaucoup de champs. Le champ psychologique, le champ pédagogique et éducatif. On est dans un établissement agricole, on a des animaux, on a des jeunes qui aiment l’animal et qui qui retrouvent beaucoup de choses chez l’animal, forcément le lien est logique. A la direction du lycée, ils ont vraiment pris le sujet à bras le corps (…). Et comme on avait des jeunes qui étaient dans des situations vraiment problématiques au niveau discipline, c’était le premier critère, ils avaient besoin de se recentrer sur eux, on a proposé cette médiation à certains jeunes. Et puis on a mis ça en test et les jeunes concernés ont vraiment trouvé beaucoup d’intérêt, ça leur faisait du bien, et en conséquence ça nous fait du bien ! ».

La formatrice d’alors, Karen, a initié Maud qui s’est formée à la médiation et qui est désormais qualifiée. Lorsque Karen est partie vers d’autres horizons, Maud a pris le relais… Aussi, l’idée, l’invention de départ semble désormais intégrée et institutionnalisée au sens d’une innovation pédagogique.

1-2 Quelle définition ?

Comme le définit Ilona, étudiante en BTS, « La médiation animale, c’est de permettre aux élèves qui ont un moment de difficulté de pouvoir aller au contact d’animaux, avec des exercices qui sont très diversifiés, qui sont à la fois en intérieur et en en extérieur pour pouvoir nous aider à un moment donné ». Il s’agit d’un dispositif organisé, structuré, qui est mis en place sur l’ensemble de l’EPL et qui est pensé comme un outil complémentaire aux autres dans ce que nous pourrions appeler « l’accompagnement socio-pédago-éducatif » des apprenants.

1-3 Le déroulement

La médiation animale se déroule sur 5 séances, en individuel au CFA, en binôme au lycée, avec un temps de présentation en amont, et un temps de bilan écrit à la fin. Plusieurs exercices sont réalisées et permettent de travailler certains points qui correspondent à des objectifs que souhaitent travailler les jeunes. Par exemple « améliorer mon comportement en classe » ou « gérer mes émotions le jour du CCF ».

1-4 Public visé

Le dispositif est ouvert à tous les publics de l’EPL, de toutes les filières, dans la mesure ou il est possible de dégager un financement. Le fait de passer par la médiation animale permet d’entrer en contact avec un public large sans tomber dans des stéréotypes sur des approches « psychologiques », et de parler le même langage que les jeunes et leurs parents.

1-5 Pilotage

L’action est travaillée en lien avec les Groupes Adultes Relais de l’établissement ; ce sont principalement les CPE du CFA (Xavier Bonniez), du lycée (Rodolphe Lambert) et la médiatrice (Maud Rabu) qui coordonnent l’action.

2- Comment ça se met en place concrètement

2-1 La médiation animale au CFA Nature

Il y a deux types d’approches. La première est consécutive à des difficultés de comportements et concerne des jeunes qui rencontrent de façon récurrente ces difficultés dans ou hors les cours. Or, « ça, quand c’est répété, ce n’est pas juste un problème de comportement. Parce que quand le jeune a envie de ne pas respecter le cadre, c’est qu’il y a quelque chose de plus profond ». A ce moment-là, Xavier, en qualité de CPE, va prendre contact avec la médiatrice, Maud, pour expliquer la situation et proposer au jeune de tester la médiation animale : « quand on voit qu’il adore son métier, qu’il adore sa formation et qu’il veut absolument rester, mais que finalement c’est -on va le dire comme ça- plus fort que lui, la médiation par l’animal va lui permettre vraiment de progresser plus profondément [qu’une sanction] ». La seconde approche se fait par le « groupe adulte relais du CFA (GAR) ». C’est une réunion qui se déroule une fois par mois avec plusieurs formateurs-trices, l’animatrice des lieux de vie, des administratifs, des intervenants de la maison de l’adolescent (MDA), un psychologue ou un éducateur spécialisé. Là, le collectif aborde des situations de jeunes en plus grande difficulté (familiale, pédagogique, …), et à un moment donné la question peut se poser de proposer la médiation animale pour créer les conditions du dialogue pour mieux comprendre la situation, aider le jeune à construire des routines, à réaliser que son comportement n’est pas adapté dans la formation, la dynamique de groupe, les relations avec les adultes…

2-2 La médiation animale au Lycée Nature

Comme pour le CFA, au lycée l’action s’inscrit dans un véritable travail d’équipe, qui s’appuie là aussi sur le GAR qui est composé de l’ensemble des personnels ( aussi bien enseignant que personnels de restauration, d’entretien…), qui permet de repérer les élèves susceptibles d’avoir une aide, et voir quelle proposition serait utile, la médiation animale mais également un rendez-vous à la MDA, ou autre. Car l’action vient en complémentarité d’autres actions : « On a quand même une équipe enseignante qui est très très ouverte là-dessus, et qui met en place beaucoup d’actions différentes. Il y a de la sophrologie et de la relaxation mise en place par les enseignants eux-mêmes, et la médiation vient en complément. (…) quelquefois on peut passer en dehors de la démarche officielle par le GAR, avec des enseignants qui viennent me voir en disant « moi j’ai repéré tel élève, je pense que la sophrologie ne serait peut-être pas forcément bonne, on lui a proposé mais est-ce qu’on pourrait le mettre en lien avec Maud ? ». Voilà, c’est toute l’équipe, c’est que positif de toute façon, donc on n’hésite pas en fonction du repérage de l’élève, à venir me voir en disant ce serait peut-être bien de passer par ce biais-là.

2-3 La médiation animale en 5 séances et plus si besoin…

Une fois l’étape de repérage réalisée, le point de départ consiste à prendre le temps de rencontrer les élèves ou apprentis avant de mettre en place une séance, afin d’expliquer en quoi consiste la médiation animale, comment cela va se passer, qui fera quoi avec qui et comment,… : « On propose on n’impose rien, l’idée c’est que l’élève essaye au moins une séance et à l’issue de la séance, Il décide s’il s’engage sur le cycle complet et en général c’est toujours positif ».

Le cycle complet comprend 5 cinq séances qui se déroulent le mardi. Ce sont des séances d’une heure, où Maud intervient avec sa chienne « Happy », un berger australien, où ses chèvres Canelle et Senseï. En début de cycle, les jeunes doivent identifier eux-mêmes leurs objectifs de travail, l’occasion d’ouvrir le dialogue, mais également un ancrage pour permettre de réaliser leur bilan écrit au terme de l’action où elles et ils  évaluent les cinq séances pour évoquer « comment ça s’est passé, ce que ça leur a apporté ». Une trace écrite qui facilite le suivi, et qui est conservée afin de nourrir le bilan de l’action au sein de chaque centre constitutif mais aussi de l’EPL.

2-3 pour développer des compétences à vivre…

Pour les séances, on y vient avec une tenue confortable, et l’activité commence par prendre le temps de faire le point et de reposer le cadre, c’est : « de faire un scan, pour se dire comment on se sent, donc on échange avant même de démarrer la séance. Puis je pose toujours le cadre, parce qu’en fait ce sont des séances qui se font avec deux élèves [au lycée], en expliquant qu’on est dans la bienveillance, et tout ce qui est dit en séance reste en séance. Et puis après on passe à la pratique une fois qu’on a pu expliquer comment on se sent, comment s’est passé la semaine entre deux séances, et après on passe à des exercices pratiques ». Les jeunes confirment, ainsi Salomé : « Je suis arrivé pour mon premier cours, enfin ma première séance, et du coup Maud -on s’était déjà présenté avant- elle m’a présenté à Happy et on a commencé à rentrer dans une pièce pour savoir les objectifs de pourquoi on était là, comment on en a entendu parler, puis apprendre à commencer le travail. On a fait du dressage, beaucoup de dressage et la relaxation aussi et de la danse ».

Pour la pratique : « quand on est avec Happy, ça peut être de savoir donner des ordres à Happy. Là on travaille la concentration, l’affirmation de soi, donc la confiance en soi aussi. On peut faire des recherches de personnes, en travaillant sur l’odorat du chien, et donc là aussi il y a une personne qui doit lâcher prise et faire confiance au chien. Et, pour la personne qui est retrouvée, c’est très valorisant pour elle. (…) je mets toujours une dose de relaxation au sein des séances, où la personne est connectée à l’animal et guidée par ma voix, là on travaille avec des notions de sophrologie, et on travaille la respiration. Le but c’est que la personne, l’élève reparte en fait avec un outil, qu’il puisse réutiliser à la maison ».

Du point de vue des jeunes, Antoine au CFA évoque son expérience : « après les cours le soir, on faisait ça, [Maud], elle venait avec son chien, et en fait on parlait avec [Maud] et on parlait de la pluie et du beau temps, et puis en même temps il fallait qu’on arrive à canaliser le chien. (…) Parce que elle, elle connaît très bien son chien et elle sait très bien comment ça marche et je pense qu’elle arrive à gérer son chien pour qu’il soit plus énervé (…) c’est quand elle, elle a vu les progrès qu’on a fait, elle nous a dit « bon ben pour ma part ça va être bon », après 5 ou 6 séances ». Comme moment clés, Ilona retient « quand on fait les exercices en extérieur, ou là j’apprends vraiment la patience, puisque ben c’est un chien et il fait ce qu’il veut quand il veut, et que de toute façon je suis personne pour dire « non »,(…) ça me fait prendre confiance en moi, de la patience… ça m’a permis de me rouler dans la boue aussi mais ça c’est juste parce que voilà, mais euh [rires] », et pour Salomé c’est « la recherche à l’homme, quand je me suis cachée et quand elle m’a retrouvée, alors que j’étais un peu loin d’elle quand même, et puis elle ne m’avait pas vu partir surtout ». Le bonheur d’être retrouvée, peut-être de se sentir compter pour l’animal ?

2-4 Et recréer des relations de confiance entre jeunes et adultes

De ces rapides témoignages, nous retiendrons à la fois le fait de réaliser des activités complexes, un cadre d’action clair qui installe des routines, et un travail de dialogue qui se met en place petit à petit avec Maud. Cet espace de dialogue ainsi ouvert permet d’atteindre et de discuter de choses plus profondes et le cas échéant de tester et de proposer des améliorations dans ce qui peut être vécu par les jeunes « hors la séance de médiation », pour en reparler ensuite. Par exemple, qu’est ce que je peux mettre en place concrètement pour ne pas participer « à la fanfare » dans la classe ?

Ce travail de médiation est à voir comme une amorce, essentielle, pour pourvoir entrer et/ou maintenir la relation, qui est-elle un travail de longue haleine. Comme le précise Rodolphe : « Le fait que l’animal soit présent en fait ça permet de libérer la parole de façon beaucoup plus simple et naturelle, et ça c’est important en fait. On est vraiment en lien et on échange sur ce qui peut être dit des fois, sur ce qui est important de savoir pour le reste de l’équipe… On arrête pas la séance sans voir l’élève, et on voit si ça va mieux. (…) c’est c’est un travail continu sur toute l’année qui se fait une fois que la séance est faite, par des petites touches, un dialogue, tu les croises dans le couloir, ça apporte un bien-être. Ça leur apporte une certaine forme de sécurité et d’écoute, ce qui est quand même très important ».

3-Les résultats

3-1 Ce que la médiation animale permet : le regard du CFA

3-1-1 Une façon de considérer les apprentis, ce pour quoi ils viennent, et à quoi ils se confrontent

Pour Xavier Bonniez, « un jeune, quand il vient ici, il ne faut pas se leurrer, il déteste le système classe école classique. Il vient ici parce qu’il veut être dehors, et on le remet dans une situation dans laquelle il a souvent été en défaut et … voilà c’est comment on creuse les choses par rapport à ses problèmes de comportement ». Pour autant ils aiment leur métier, et surtout d’être au contact des animaux. Ce sont des jeunes qui « vivent pour l’entreprise (…), ils apprécient énormément le contact avec les formateurs (…) on a des formateurs qui sont supers, qui arrivent à les emmener. Ils prennent du recul sur les situations, (…) l’objectif d’atteindre un diplôme », est parfois compliqué : « je me souviens d’un séjour en Belgique avec un groupe très compliqué, (…) je suis parti avec une formatrice, et dès qu’ils étaient sur une ferme -et on avait un tout petit peu peur que il fasse le mur la nuit et cetera- et non, et dès qu’ils étaient avec l’animal franchement ils montraient un autre visage, qu’ils étaient vraiment… je prends toujours l’image du poisson dans l’eau et hors de l’eau, quand ils sont en entreprise avec les animaux, ils sont comme un poisson dans l’eau, ils respirent. Dès qu’ils sont ici [au CFA] pour certains, il y a plus d’eau dans le bocal, et moi je leur dis toujours de mettre un peu d’eau dans ce bocal pour alimenter les choses et respirer… ».

Un constat qui est partagé par Antoine : « (…) moi j’ai commencé à arriver dans le milieu agricole quand j’étais petit à peu près vers  10 11 ans, j’avais mes voisins qui étaient dans l’agricole et depuis dans l’élevage de porcs, et puis ça m’a toujours intéressé. (…) C’est que déjà on est dehors, on n’est pas enfermé, déjà ça c’était un gros point pour moi. Je pouvais pas rester enfermé déjà les cours c’est compliqué alors, quand je suis dehors dans un sens je suis libre et je fais un peu ce que je veux, dans le cadre forcément du boulot, mais voilà quoi c’était ça le plus important (…), moi avec les brebis quand on les déplace et tout ça, elles te suivent et viennent te taper la main, tout ça, ça c’est… c’est inexplicable. C’est, c’est tellement bien que [C : c’est pas facile à décrire] Ouais c’est ça inexplicable quoi, c’est un truc à vivre (…) tu les appelles soit tu as ton seau ou soit si elles sont bien habituées, elles viennent vers toi, et puis elles te suivent, et puis hop puis elles se laissent faire quoi, c’est ça qui est qui est … qui est ouf quoi ».

Mais également par Cyril « A peu prés pareil, moi c’est surtout les animaux… je voulais un contact avec les animaux à tout prix, être entouré des animaux… Déjà ben, les voir grandir, ça c’est quelque chose que, c’est fascinant. (…) tu as quand même passé pas mal de temps à les nourrir et tout, à prendre soin d’eux pour les voir grandir, ça c’est un truc ça te fait toujours plaisir à voir ça, puis même après les, les caresser ou les choses comme ça enfin … c’est à peu près l’un des seuls moyens de me détendre. Par exemple quand je suis énervé et que je suis au boulot, ben tu je caresse les animaux puis voilà… c’est tout je ne sais pas vraiment comment décrire la situation mais c’est c’est ça ouais ».

Autrement dit, tout se passe comme si la médiation animale commençait par ouvrir un espace de dialogue sur un terrain familier des jeunes, sans attentes ou pressions explicites des adultes.

3-1-2 Des résultats probants pour apprendre à se canaliser, comprendre les raisons de son comportement, mais également utiles en situation de travail

Pour Antoine et Cyril, après de multiples remédiations, la médiation animale était un peu synonyme de dernière chance pour aller au terme de leur formation. Ainsi pour Antoine l’objectif était de se canaliser, se concentrer et persévérer :  « comme je disais, j’aimais pas les cours, et pour moi c’est ça toujours été un grand défaut, c’est que j’arrivais pas à rester canalisé plus de …allez 10 minutes en cours sans parler, sans bavasser, sans être la tête à l’air, et puis « mettre la Java dans la classe ». Donc j’étais un peu sur la sellette, et monsieur Bonniez m’a proposé de faire la médiation par l’animal. (…) on s’est vu avec [Maud] et puis on a fait des exercices … Et en fait son chien est tellement, comment… impulsif que faut réussir à le calmer. Sauf que moi si ça ne marche pas, ça m’énerve, donc là fallait que j’arrive à travailler sur moi pour réussir à ne pas m’énerver, et en plus à calmer le chien. Donc c’était un grand défi  (…) maintenant c’est beaucoup plus simple, je réussi à tenir 2 heures sans forcément « mettre la Java dans la classe » (…). Après, on voit aussi sur les notes, parce que si on parle moins, et bien on est plus concentré, et vu qu’on est plus concentré, ben elles sont meilleures et puis on comprend mieux, puis on aime après à comprendre…».  Pour Cyril, l’objectif était plus de travailler sur son côté « éruptif » : « Moi j’étais insolent, et pas patient (…), j’étais un peu énergique, foufou et du coup ben, comme il a dit là, le chien qui était énergique, pas facile à dresser, et le fait de réussir à le dresser encore une fois, c’est une fierté pour soi-même. Et… aussi en même temps justement tu apprends à te gérer, à te canaliser, et c’est vrai que ça fait du bien. Moi aussi j’étais au bord de la sellette et ça m’a sauvé ».

Prendre conscience de ses propres progrès, n’est jamais facile lorsque l’on est seul. Là, l’action permet aux jeunes de prendre du recul sur leur propre comportement, d’en discuter avec Maud, ce qui les amène à cheminer et à trouver ensuite des ressources pour agir dans d’autres contextes. Autant d’occasions qui permettent de mesurer les progrès accomplis : « Moi je l’ai vu dans certains cours où c’était un peu plus la fanfare (…) je l’ai vu où en fait j’arrivais, enfin je faisais même pas exprès, mais je disais rien… je disais rien, je participais pas au truc, j’essayais de suivre le cours, et en fait je me suis dit « ah ouais du coup en fait ça a marché quoi » ». Le rôle des adultes est également important pour souligner ces progrès « quand j’ai eu mon CAP, je me suis dit : « ouais j’ai quand même changé par rapport à avant », puis après monsieur Bonniez m’a aussi fait la remarque, et c’est ça aussi je pense qui nous a aidé à nous remotiver pour continuer ». Par le jeu de la discussion, ils sont également sensibles aux réussites qu’ils ont pu obtenir en s’appuyant sur la médiation animale, comme par exemple un travail de patience : « un moment qui m’a bien marqué c’est quand mon patron m’a donné la charge de dresser un veau qui est insociable, et du coup j’ai réussi à prendre mon temps, puis au final, maintenant il est à peu près sociable, donc quelque part j’ai réussi à accomplir ce que je voulais faire et c’est une fierté en gros… pour moi-même. [Comment tu as fait ?]. La patience. Pourtant je ne suis pas patient du tout, et avec les animaux c’est l’inverse je suis hyper patient, mais parce que c’est vraiment un truc qui me qui me motive enfin je sais pas c’est c’est comme ça. C’est vrai quand tu as un truc qui te fascine c’est pas facile de l’expliquer ».

Mais c’est aussi de mettre des mots pour mieux comprendre les raisons qui font agir : « j’avais besoin qu’on me voit en fait, et grâce à ça, ça m’a expliqué en même temps… je sais pas dans quel sens et comment ils l’ont fait, mais ça m’a expliqué que j’avais pas besoin d’animer la galerie pour que j’existe quoi (…) j‘avais pas besoin de faire la java pour « me faire un rôle » parce que l’extérieur c’était très bien, mais quand on était en cours, bah voilà fallait que je mette mon petit grain de sel à chaque fois, et c’est ça qui m’a porté préjudice.

3-1-3 Des résultats concrets sur l’évitement de conseils de disciplines !

D’un point de vue comptable, l’action a contribué clairement à réduire les conseils de disciplines. Pour Xavier Bonniez, ce n’est pas une baguette magique, mais bien un outil complémentaire qui va permettre de trouver un prolongement dans la capacité que le jeune va avoir d’analyser et d’agir dans d’autres situations. C’est par exemple de mieux comprendre et décoder les dynamiques de groupe et le sentiment de « provocation » que peut vivre le formateur. Par exemple, pour un apprenti il s’agissait de : « (…) la maîtrise de ses émotions, savoir à quel moment je prends la parole, à quel moment je m’impose dans le groupe, à quel moment je laisse dire les choses… Voilà le résultat ça a été un changement de comportement. Bien entendu le côté clown il reste toujours, mais ça lui a permis de réguler son comportement et de valider son diplôme en CAP et de continuer (…) c’est une belle réussite. Nous on est très content, le jeune aussi, la famille aussi, le patron aussi, tout le monde est content ».

3-1-4 Un rapprochement avec les familles et une image positive

L’action est également un bon moyen pour entrer en relation avec les familles car il s’agit d’en parler pour demander l’autorisation le cas échéant. Les parents se posent des questions « « mais si le chien est enragé, devient fou », toujours ces inquiétudes, mais on est dans un monde agricole, les parents connaissent les animaux et ils font confiance. Pour échanger avec quelques parents, il y des parents qui se rendent compte aussi qu’à la maison leur gamin change, après il y a l’adolescence qui fait que voilà ils ne reconnaissent pas toujours leur gamin (…) une situation très complexe, un jeune qui avait pas du tout confiance en lui, qui faisait beaucoup de bêtises parce qu’il y avait toujours de stress, il était un peu plus apaisé, et la discussion avec la maman c’était « oui même à la maison il se pose, j’ai toujours un petit côté hyperactif mais là hop il se pose » ».

3-1-5 Un bénéfice social, éducatif mais aussi économique !

Enfin l’action est un moyen qui, bien qu’elle représente un poste de dépenses de quelques centaines d’euros, rapporte. Pour maintenir des contrats d’apprentissage (comme évoqué ci-après), mais aussi dans le recrutement car désormais les parents savent que le l’EPL Nature propose cette modalité pour prendre soin des jeunes, et que cela a des effets concrets sur le jeune, dans sa persévérance en formation, mais aussi en rebonds dans sa vie de tous les jours, notamment à la maison comme nous venons de le voir.

3-2 Ce que la médiation animale permet : le regard du Lycée

3-2-1 Pour les jeunes : apaisement et retrouver de la confiance en soi et dans l’adulte

Parmi les premiers éléments cités côté jeunes comme adultes, il y a l’apaisement : «  Moi, ça a permis d’un peu m’apaiser durant la semaine, et aussi du coup un peu évoluer sur le fait que c’est normal d’avoir des moments bas, et qu’il y a toujours des moments heureux. Je suis un peu plus apaisée, un peu plus souriante et j’ai quand même eu une sacrée évolution depuis l’année dernière », mais aussi de mieux gérer le stress des examens « et surtout à respirer parce qu’on a des exercices de respiration, j’appelle ça comme, de respiration, où on se pose, on réfléchit un petit peu moins et on apprend à se canaliser et à respirer. Et puis ça m’a fait grandir aussi ».

3-2-2 Une plus grande capacité à mobiliser des ressources pour réussir

C’est également un entrainement à un travail réflexif sur sa pratique, ses ressentis, ce qui va nourrir des questionnements et capacités métacognitives pour continuer de se développer. Les jeunes arrivent mieux à appréhender les situations compliquées, et eux comme leurs parents font des retours en ce sens à l’établissement.

Pour Rodolphe, un autre point crucial concerne le fait de redonner confiance dans l’adulte, de créer des habitudes de relations avec la vie scolaire. Ainsi, « ce lien qui est fait, c’est que les élèves qui ont fait la médiation animale sont toujours présents à la vie scolaire (…) », ce qui permet de faire un suivi, prendre des nouvelles, suggérer à un.e proche de prendre contact avec Rodolphe le cas échéant : « je donnerai un seul exemple, il y a eu une élève qui ne disait pas un mot, avec qui le dialogue était très compliqué, et au bout des 5 séances, on peut dialoguer avec cette personne, on peut parler, on peut amener des choses, voilà l’effet il est là… C’est de passer d’un mutisme à quelqu’un qui s’épanouit, c’est tout le bien fait de la médiation animale ».

3-2-3 Une action qui renforce les compétences à vivre

L’action permet clairement pour les bénéficiaires de travailler leurs « CPS », que l’on trouve aujourd’hui identifiées dans la plupart des référentiels. Pour autant, « même si on travaille l’affirmation de soi, la confiance en soi, la gestion du stress… », «le  lien, il se fait de cette manière implicite, c’est à dire que les enseignants voient après les deux trois séances qui ont été faites avec Maud que la personne a pris la parole en cours, que c’est plus facile pour trouver un stage. Et puis ce dialogue, cet échange, il est fait sans qu’on se rende compte forcément, mais tout le monde y participe, et on voit bien les résultats au niveau des élèves pédagogiquement. La vie extrascolaire dans l’établissement c’est plus facile, et surtout ils arrivent à mieux mettre des mots sur leurs problèmes et à pouvoir en parler aux adultes, et savoir qu’on peut toujours être aidé à un moment donné ».

3-2-4 Un effet positif qui se ressent dans et par-delà l’établissement

Les effets positifs de l’action se diffusent de bouches à oreilles, ainsi « les parents nous en parlent sans qu’on ait fait vraiment de démarche extérieure, pour leur donner des renseignements. Lors des journées portes ouvertes, il y a des parents qui nous disent « mais on sait qu’il y a de la médiation animale », il a des parents qui nous appellent en demandant « Est-ce que notre ce que notre enfant pardon peut y participer ? ». Donc on voit toute l’efficacité du travail de Maud au sein de l’établissement et le retentissement qu’à la médiation pour le lycée Nature de la Roche sur Yon.

4 La suite : Un dispositif qui évolue au lycée, mais qui peine à trouver sa place au CFA pour des questions financières

Pour le lycée, cette année les séances se font en binômes d’élèves pour essayer de faire profiter davantage de jeunes. Une expérimentation intéressante selon Maud puisque « il y a des échanges entre eux, des fois ils se donnent des conseils, c’est… c’est assez chouette et puis on peut mettre d’autres formes d’exercices en place. Donc cette année on est sur des binômes ». Pour le nombre de séances, l’idée c’est de rester sur 5 séances pour offrir un cadre efficace tout en gardant quelques heures soit pour d’autres jeunes, soit pour compléter si besoin : « C’est souvent ce qui se passe en fin d’année pour des élèves pour arriver un petit peu à se poser et à se faire aider par le biais de la médiation pour les examens qui arrivent, parce que la période de fin d’année est souvent stressante ».

Pour le CFA, et en rapport avec les objectifs des jeunes et de leurs enjeux, les séances se réalisent en individuel, le mardi soir, après les cours. Seulement, trouver les ressources financières pour rémunérer Maud reste un point sensible. En effet, c’est parfois difficile de faire apprécier la valeur de maintenir des jeunes dans leur formations, voire qui poursuivent leur contrat d’apprentissage par un autre. Si nous prenons le cas de Cyril et Antoine, la médiation animale a permis de les maintenir dans leur formation en CAP, puis de rebondir en BP REA, ce qui n’a pas de prix d’un point de vue social (pour eux, leurs parents, leurs partons, la société…), et représente un vrai gain pour le CFA et les financeurs puisque l’on va au terme du contrat.

Enfin, un point qui serait sans doute à explorer concerne le champ des adultes du Lycée, pour faire vivre l’expérience aux adultes qui parfois ont également des rapports à soi et aux autres et des comportements qu’ils pourraient être amenés à améliorer au travers de l’expérience de la médiation animale ?

5 – Conseils et points de vigilance

5-1 Que dire à un.e jeune qui hésiterait ?

Pour les jeunes, la règle d’or c’est proposer sans imposer, et créer les conditions de l’expérimentation, du test : « d’un côté je pense qu’il sera toujours un peu gagnant, mais après tu peux pas forcer quelqu’un qui veut pas le faire. Si la personne ne voulait pas le faire, ça à rien, de toute façon elle n’aurait pas joué le jeu. (…) Fais-le, essaye, tu verras bien de toute façon tu n’as rien à perdre ». Pour autant, il nous semble important du côté des adultes d’anticiper sur les moqueries qui peuvent venir des jeunes comme des adultes vis-à-vis de celles et ceux qui participent à ce type d’action.

5-2 Quelques règles pour l’action

La première concerne le professionnalisme de l’intervenant.e comme c’est le cas à la Roche sur Yon. Elle en rejoint une seconde qui est de cadrer et de formaliser l’action (nombre de séances, principes de mobilisation ou repérage des jeunes, périmètre, contractualisation, information des parents, communication interne, place au sein des autres dispositifs d’accompagnement de l’EPL, personnes ressources et copil, place des jeunes le cas échéant, etc…). Mais surtout, il s’agit de partir et de s’appuyer sur les bénéficiaires : « la démarche, déjà dans un premier temps, c’est de passer par l’élève, de lui demander son avis, surtout ne pas obliger. C’est la base, on ne peut pas contraindre l’élève, et puis c’est laisser aussi le temps, c’est à dire que c’est un travail de longue haleine, c’est sur une année, il faut être patient ».

Conclusion

Comme le dit Xavier Bonniez, la médiation animale « n’est pas quelque chose d’étrange ou d’extraordinaire ». C’est un appui, un outil complémentaire qui trouvera d’autant plus sens et efficacité que les équipes sont engagées et impliquées dans l’idée de créer des conditions optimales pour permettre aux jeunes de s’engager dans un parcours de réussir. C’est de reconnaître et d’entendre leur difficulté d’être là, sans renoncer à la vidée à atteindre en matière d’exigence. C’est enfin un dispositif qui repose sur la confiance, qui se nourrit de professionnalisme et de sérieux autant d’ingrédients présents à la Roche sur Yon !

Plus largement, aux travers de ces témoignages, nous percevons bien l’intérêt que recouvre l’enseignement agricole et son rapport au vivant pour accompagner des jeunes à « raccrocher », et sans doute plus encore de construire de façon explicite et conscient des stratégies d’ancrochage pour amener les jeunes à construire leur parcours de réussites, dans et hors la classe, mais aussi avec les animaux et les végétaux présents sur le lycée, sur les lieux de stage, et au delà dans leur environnement dés lors qu’ils auront appris à s’en saisir de la meilleure des façon pour eux-même et leur développement.

Contact Maud Rabu

François Guerrier, Nathalie Bletterie juillet 2024

Remerciements à Frédérique Dubourdieu, Xavier Bonniez, Rodolphe Lambert, Maud Rabu et les jeunes du CFA Antoine et Cyril et du lycée Salomé et Ilona.

Bibliographie

Audenet-Verrier, L., Braida, L., Gili, É., Rossand, C., Veuillerot, E., Guerrier, F., Le Clanche, J., Masera, P. (2017). L’ancrochage scolaire: Une façon singulière de faire réussir les élèves. Éducagri éditions. https://doi.org/10.3917/edagri.auden.2017.01

Mayen, P. (2016). Apprendre à produire autrement : quelques conséquences pour former à produire autrement. Pour, 232, 97-116. https://doi.org/10.3917/pour.232.0097

Perrenoud, P. (1996). Métier d’élève : comment ne pas glisser de l’analyse à la prescription ? Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation Université de Genève. https://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1996/1996_15.html

Thievenaz, J. (2017). De l’étonnement à l’apprentissage : Enquêter pour mieux comprendre. De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.thiev.2017.01

 

 

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Date :9 juillet 2024
Mots-clés : Autonomie, Décrochage Ancrochage, Individualisation, différenciation, Insertion, Motivation, engagement

Voie de formation : Voies mixtes
Niveau de formation : Tous
Initiative du dispositif : Locale
Structure d’appui : Etablissement National d’Appui
Référent : Réseau des CFA CFPPA de Payls de la Loire, Accompagnement social, Frédérique Dubourdieu ,frederique.dubourdieu@educagri.fr

Etat de l’action : En cours
Nature de l’action : Innovation
Etablissement National d’Appui : Agrocampus Ouest
Action du Dispositif National d’Appui : Ancrochage

 

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