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Accompagner la réussite des jeunes et la construction de leurs « CPS » avec la médiation animale au lycée du gros Chêne Pontivy (56)

Eplefpa du gros chêne Pontivy, Bretagne

Rue de Bretagne

56300 Pontivy

Tél : 0297259310
Site web : https://campus-snm.fr/
Responsable : Frédérique Trelluyer , epl.pontivy@educagri.fr
Rédacteur de la fiche : Nathalie Mouellic, Infirmière Cheffe de Projet
, nathalie.mouellic@educagri.fr

DESCRIPTION SYNTHETIQUE DE L’ACTION

A l’origine de la démarche

Observation, enquête, diagnostic…

Le point de départ c’est un temps d’observation et de diagnostic, à l’occasion de l’arrivée de l’infirmière, Nathalie Mouellic, il y a un an et demi : « Quand j’ai pris mon poste, j’ai observé de ce qu’était les élèves (…) et j’ai constaté qu’il y a pas mal de problèmes notamment de santé mentale qui découlaient directement d’un problème de confiance et d’estime de soi, et que c’est ça prenait quand même une place assez importante comparé à ce que j’avais comme représentation ».

Un temps considérable sur le smartphone et peu d’interactions sociales

Il en ressort que les jeunes passe un temps conséquent sur les réseaux sociaux et leur téléphone, il en découle peu de communication et d’interaction directe, ce qui entrave la possibilité de construire des capacités psychosociales (communication, écoute, de gestion de ses émotions,…). Pour Nathalie, « il fallait vraiment que je trouve un moyen pour les leur faire relever la tête et se regarder communiquer ».

Construction et la maturation du projet

Une opportunité … et des compétences

Nathalie a une chienne, Naya, avec qui elle fait de l’obéissance. Elle a donc un diplôme de sociabilité (Certificat de Sociabilité et d’Aptitude à l’Utilisation CSAU), et un brevet d’obéissance. Elle a donc eu l’idée de de l’intégrer au lycée pour aider à améliorer le climat scolaire, le bien-être des élèves et surtout leurs échanges, pour améliorer leur bien-être. Car, si vous vous promenez « (…) dans la rue ou dans un chemin seul ou avec un chien, vous allez voir que les personnes viennent spontanément vous voir, caressez votre chien, vous demandez quel âge elle a, vous sourire, venir vers vous. Forcément, quand on traverse un couloir et qu’il y a un chien qui nous suit, bah les élèves ils font « oh un chien et oh Naya », et hop ils le caressent, et du coup juste après avoir pris contact avec le chien ils prennent contact avec l’adulte qui est avec, ou alors avec leurs pairs (…). Donc ça, ça suscite l’interaction. Naya, c’est tout son sens de médiateur, c’est une tierce personne qui vient lier deux personnes ou plus et qui permet l’ancrochage d’une conversation, d’un échange social, de réussir à faire le pas d’aller vers l’autre ».

Initier le projet, le border juridiquement, faire valider par les instances

La première étape est de se renseigner sur ce qui existe « et ça se fait déjà, et ça fonctionne », et de rédiger un projet précis et documenté pour expliquer à la direction « comment on va faire pour que ce soit possible et que cela se passe bien ». Après un accord tacite, il a fallu cadrer la situation dans une convention avec le lycée, pour régler les engagements et responsabilités des parties. Le lycée a contacté son assurance, et les « risques » sont pris en charge par l’assurance du lycée au même titre que « si à l’exploitation une vache marche sur le pied d’un élève ». Naya est donc assurée en cas de d’accident de la vie. Une fois le cadre posé, un vote est a été organisé auprès du conseil des délégués de classe d’abord, puis par le conseil d’administration, et donc mis en place par le chef d’établissement. Naya avait le droit de pouvoir venir au lycée.

Rédiger et installer une charte : la « Charte Naya »

Pour que tout se passe bien, une charte a été rédigée par Nathalie -qui connait sa chienne et ses besoins-, et que tous les humains de l’établissement doivent signer. C’est l’occasion de préciser les règles et conduite à tenir avec Naya pour respecter son bien-être. Il s’agit de devoirs (ne pas aller sur l’exploitation, toujours en laisse, ramener, informer et ou la ramener à l’infirmerie si elle n’est pas sous la surveillance de Nathalie, ne pas la nourrir, se détourner s’il y a d’autres chiens…) et des droits (de promener Naya, de l’amener faire ses besoins, de venir la voir, la câliner voire de faire la sieste avec elle, etc…). Les consignes sont simples et claires, et il faut toujours désigner un.e responsable en cas de promenade claires. Bien entendu, toute atteinte à l’intégrité physique ou morale de Naya est soumise à une sanction au même titre que si c’était pour un humain.

Les résultats

Une augmentation des interactions et une amélioration du climat de travail

Une évolution très significative dans possibilité de susciter des interactions

Comme prévu, plus d’interactions entre jeunes : Un grand succès au niveau des jeunes. « Naya et la personne préférée des élèves ». Comme le disent les jeunes « en fait on était très ravi d’avoir un animal, on va dire « de compagnie » dans le lycée, parce que nous dans l’idée c’était d’avoir un rapprochement animalier autre que bah la ferme pédagogique ». La présence de Naya facilite les rencontres et la possibilité de nouer des amitiés, notamment pour les plus introvertis. Nous y reviendrons.

Mais également entre jeunes et adultes, et entre adultes : Ce qui était peut-être moins prévus, c’est que la présence de Naya développe également les interactions et les évolutions de regard des jeunes et des adultes, et les relations entre adulte : « (…) les élèves voient leur profs – d’habitude très neutre, très figé- et quand Naya passe devant la classe, devenir tout attentionné, affectif, et ils découvrent une nouvelle personnalité de leur professeur », ou encore à l’internat « j’avais du mal à entrer en contact. Je circulais dans les couloirs, au self, et j’avais du mal à entrer en contact avec eux, (…) je voulais un petit peu faire leur connaissance (…) et c’était compliqué, ils sont sur leur téléphone, ils parlent entre eux… Maintenant, quand je vais avec Naya, en fait j’ai même du mal à m’en dépatouiller des jeunes, parce qu’ils viennent vers moi, ils me parlent et c’est ce que je veux, c’est vraiment ce que je veux. Et ça marche plus que plus ». Une confirmation apportée par Joëlle, agent d’entretien « Mais je vous dis, ça met de la vie dans un lycée un chien, c’est vrai. », comme par Claire, la CPE nouvellement arrivée « (…) même entre adultes on va s’arrêter pour la caresser et en même temps, euh bah on se parle, on se demande comment ça va, alors que si on s’était juste croisé dans le couloir, on n’aurait peut-être pas particulièrement parlé, on aurait juste dit bonjour et on aurait passé notre chemin, alors que là on s’arrête on caresse Naya, et oui c’est sûr que c’est un lien supplémentaire ».

Qui humanise les rapports dans l’établissement voire au-delà

Quand les relations semblent de plus en plus réglées par des outils technologiques (mails, procédures, réseaux sociaux, écrans,…), le fait d’avoir la présence de Naya rapproche les personnes qui se trouvent « mises en contact » et se mettent à parler, sourire, partager un moment de convivialité. Un point que confirme Nathalie : «  (…) L’animal nous permet de revenir à la nature même de ce contact réel, au toucher, à la conversation, à l’écoute, au regard qu’on perd de plus en plus à cause des technologies, de ce côté artificiel et superficiel de certaines façons de vivre. C’est pour ça que ça nous humanise d’avoir un animal en fait ça nous rapproche de la nature ».

En contribuant à améliorer le climat de travail…

Ainsi, Naya contribue de fait à la qualité de vie au travail, pour les jeunes et les adultes. Pour les élèves, « C’est mignon, ça apporte une énergie positive dans le lycée », la CPE  « C’est vrai que dès qu’on la voit, les gens sourient en fait, [les jeunes qui sont en ] en permanence ils sont contents de l’avoir donc je pense que ça apporte vraiment de la bonne humeur entre nous et et les élèves ils sont ravis … », ou encore Joëlle « Pour moi Naya au sein de l’établissement je la trouve comme un petit rayon de soleil. Un antistress, aussi bien pour les adultes que pour les élèves. D’ailleurs on voit toujours quelqu’un la promener, un élève la sortir ».

… Pour réduire son stress, mieux apprendre, ou prendre du recul sur sa journée de travail

En premier lieu, il convient d’écouter les jeunes : « On est des humains, on est des élèves qui restent le plus souvent 8h en cours, qui stressent qui avons possiblement des problèmes, qui ne savent pas forcément des fois à qui se confier, même s’il y a l’infirmière ou d’autres personnes qui sont de confiance, bah on n’a pas forcément envie de parler de certains problèmes qui ne sont pas forcément… intéressantes on va dire. Et le fait d’avoir un chien, les moments de stress avant les évaluations, ou même les moments où on est un peu en baisse de moral où on sait plus trop quoi faire, ou même quand on a des permanences », « Elle est très présente en fait, et ça rajoute quelque chose qui est vraiment en plus, et qui aide à la pédagogie et à apprendre. Par exemple avant un contrôle, quand on est stressé, bon on peut se dire on peut aller voir Naya, et elle, elle va nous accompagner, elle va être là en fait, ça va être un bouclier. Naya ça va être un peu comme notre maison, on va se sentir bien on va se sentir à l’aise et se sentir en sécurité ». Notons que si l’on renverse le dernier propos, nous constatons qu’un établissement n’est pas nécessairement un lieu où on se sent a priori en sécurité. Peut-être que parfois nous, les adultes, pris dans nos urgences, oublions parfois que ce cadre sécuritaire ne se décrète pas ? Que le lycée n’est pas a priori un espace sécurisé, que cela se travaille.

Mais c’est tout aussi vrai pour les adultes, comme le relatent Joëlle « Je reviens toujours au stress en fait, pour moi c’est un antistress Naya », et Claire « C’est vrai que ça fait du bien quand on a passé de mauvaise journée, en plus moi qui n’ai pas d’animaux de compagnie, j’aime bien lui faire une petite caresse (…) ».

Un point d’appui pour aider aux apprentissages

Travailler des questions éducatives, comme la notion de consentement ou la frustration,

Sur certaines situation, Naya peut très bien ne pas avoir envie de se promener, Nathalie en profite pour faire un rappel [en souriant/complice] « là, tu vois, c’est non. Donc un non, c’est non ! Il y a un premier apprentissage, c’est à dire que la personne en face de toi elle, n’est pas obligée d’avoir toujours envie d’avoir la même chose que toi. Et puis la gestion de la frustration, donc : « repasse plus tard peut-être, mais pour l’instant ce n’est pas possible ». Apprendre la frustration, un aspect important pour travailler les compétences psychosociales qui est facilité par la présence de l’animal.

Mais également l’estime de soi, la responsabilité et la confiance envers les adultes

Le fait de promener Naya, qui n’est pas le chien du lycée mais celui de Nathalie, c’est-à-dire un être qui est très cher à ses yeux, amène à vivre une expérience de mise en confiance et en responsabilité. Un enjeu et une mise en réussite (le cadre et les règles), comme l’illustre cette anecdote : « Je vais au foyer, et je demande « est-ce quelqu’un veut bien sortir Naya parce qu’elle a besoin d’être sortie ? ». Un jeune se porte volontaire et je lui dis « bah tiens je te confie la laisse », et je rappelle les règles. Et, il me dit : « mais vous ne venez pas avec moi ? ». Je dis « bah non, tu la sors tout seul, mais pourquoi tu… ? ». Là il répond « mais vous me faites confiance ? ». Et je dis, et ben pourquoi, tu penses que je ne peux pas te faire confiance ? ». Il renchérit : « bah si si ! ». Et je lui réponds « et ben alors je te fais confiance, vas-y ! ». Je pense, j’ai vu dans son regard… je ne sais pas si on lui très souvent dit qu’on lui faisait confiance… C’est, c’est des détails, mais… et ça je ne l’avais pas prévu. Et c’est ça au quotidien. En fait ça construit les jeunes.

Là encore, les jeunes nous illustrent cet apport dans leur prise de responsabilité pour dépasser une situation, elle contribue à la fonction d’éducation : « (…) On peut l’avoir très souvent possiblement et ça peut jouer sur comment on se sent dans le lycée et comment on se comporte. Parce que quand on est avec elle et quand il y a un chien dans les parages, on essaie d’être calme, on essaie de pas trop stresser ou trop l’énerver, donc ce qui fait que ça joue aussi sur le comportement des élèves ».

Raccrocher les jeunes, créer les conditions pour s’imaginer pouvoir réussir au lycée

Déclencheur pour faire revenir à l’école…

Pour des jeunes en situation de déscolarisation, Naya peut devenir un point d’appui. Ainsi, lorsque les jeunes seraient éventuellement partant pour essayer un retour au lycée, lors d’entretien avec les parents, la directrice peut aborder la présence de la chienne et faire les présentation. Plusieurs situations ont ainsi pu amener à être déclencheur pour revenir au lycée : « (…) dans au moins deux cas, trois peut-être, il y a eu un réel déclic pour que le jeune accepte de revenir en lycée. Et il y a eu au moins à ma connaissance deux élèves qui on « ré-ancroché » grâce à Naya. Bon après, à mon avis, il y en a beaucoup d’autres dont je n’ai pas en connaissance. Un cas qui me revient c’est celui d’une jeune qui n’était plus scolarisée depuis 3 mois, et qui accepte de revenir au lycée parce qu’il y a un chien. Au début elle venait beaucoup me voir pour promener Naya, et en fait il se trouve qu’elle la promène avec une copine de classe. Donc, en très peu de temps, elle a réussi à lier des amitiés avec les gens de la classe en allant promener Naya. Et puis en fait elle venait très souvent, puis un peu moins, puis encore un peu moins, puis maintenant elle ne vient plus à l’infirmerie. Elle est en terminale, elle va probablement avoir son bac, et ce qui est très bien c’est que je ne la vois plus venir parce que ça ne va pas. Et donc ça, c’est des vraies réussites. Une autre jeune qui est en BTS a le même profil. Elle sa eu des crises d’angoisses, elle a un fort attachement à l’animal ayant elle-même un chien qu’elle ne peut pas avoir au lycée, et elle vient parfois chercher Naya et l’emmène en cours avec elle. Ça lui permet de réussir à rester en cours et de gérer son angoisse. Je pense qu’en fin d’année elle aura son BTS, et je ne sais pas si cela aurait été possible autrement ».

Mais aussi indirectement pour soutenir le recrutement au lycée du gros chêne…

La médiation apportée par Naya et Nathalie joue donc sur le raccrochage scolaire, ce qui impacte de fait le choix de l’établissement. Car les jeunes savent qu’au-delà de la présence de Naya, c’est une dynamique d’écoute et de réussite qui est mise en place pour aider les jeunes à réussir, comme le rapporte un élève : « (…) j’avais deux lycées en choix, j’avais Loudéac ou ici et je me suis dit peut-être que le lycée de gros Chêne ça serait mieux parce qu’il y a Naya. Il y a aussi des profs compétents mais quand je me suis dit il y a Naya qui est là pour nous accompagner, je pense que ça serait un avantage qu’elle soit là que plutôt que d’aller dans un autre ».

Pour se confier

En effet, facilitatrice pour créer des amitiés, Naya est également un soutien pour passer les moments plus compliqués, où les jeunes ont besoin de se confier mais pas nécessairement auprès d’adultes. Ce rôle qui aide à se sentir bien et en sécurité au lycée est totalement confirmé par le témoignage d’un élève, pour qui : « Naya et ça été une grande aide parce que bah quand je savais pas quoi faire ou que je voulais pas parler forcément à quelqu’un, à un être humain bah je prenais Naya et j’allais me promener et je pouvais, comment dire, lui dire tout ce que je pensais sans sans être jugé, parce que c’est un animal et bah un animal ça juge pas, un animal ça écoute, et donc je savais que si j’avais des choses à dire qui me qui me pesaient un peu sur le cœur, ou que j’avais envie de me confier ou des trucs comme ça, bah j’en parlais à Naya parce que je savais que elle, elle allait pas me juger et que bah elle allait m’aimer dans tous les cas ».

Un rôle que les adultes peuvent bien sur jouer, mais force est de constater que la présence de l’animal est une ressource supplémentaire qui apporte un réel levier. Nous le retrouvons d’ailleurs dans d’autres aspects de la relation éducatives, que nous allons aborder.

Un soutien opérationnel pour gagner en temps et en efficacité dans le travail au quotidien

Aborder des situations difficiles en reconfigurant la situation de travail

Ainsi, au-delà de l’aspect « interactionnel », la présence de Naya apporte une vraie valeur ajoutée pour traiter des situations professionnelles auxquelles doivent faire face la CPE, l’Infirmière, les enseignants (profs principaux,) notamment. Comme l’évoque également Joëlle, « Des fois, ça peut aussi calmer l’atmosphère ou pour certaines situations qui peuvent être délicates ». En effet, selon les situations rencontrées, il n’est pas rare de demander aux jeunes s’ils souhaitent la présence de Naya « (…) par rapport à notre boulot à nous [vie scolaire], on peut demander aux élèves (…) s’ils veulent la présence ou pas de Naya avec eux. Puisque ça peut être un support psychologique pour certains sujets difficiles à aborder ou juste pour se sentir bien », « quand je vois qu’ils ne vont pas bien, s’ils ont les larmes aux yeux ou ce genre de chose, je leur demande soit ils peuvent aller parler à l’infirmière, ou juste la présence de Naya selon les sujets. En début d’année par exemple, on a dû exclure un élève (…) du coup il était en larme, et je lui propose « est ce que Naya ça te ferait du bien de l’avoir avec », (…) il la caresse en même temps qu’on discute, et je pense que ça les détend en fait. Ils se sentent plus détendus (…)  Et le fait d’être détendu ça ouvre la parole et puis ça permet aussi de libérer l’esprit (…) la conversation peut mieux se passer à ce moment-là ».

Une aide pour aborder les sujets de façon plus détendue, mais également pour faire gagner du temps , ce qui soulage la charge de travail des adultes, mais surtout en premier lieux les jeunes qui sont les premiers concernés. Ainsi, « dans mon travail en tant qu’infirmière en individuel avec l’élève, une fois que la porte est fermée. Là, le travail de médiation prend encore une fois son sens. Par exemple, j’ai des élèves qui me sont amenés par des professeurs, (…) L’élève, lui, il n’a pas forcément envie de me parler. Il n’a pas forcément envie de me voir, il est amené « de force » dans mon bureau (…) Bon, moi je ne force jamais un élève à s’exprimer et à me parler, mais dans ces cas-là j’ai un nouvel outil. Je lui dis « Bon écoute, moi ce que je te propose, c’est que Naya a besoin d’aller faire ses besoins… ». Donc on va faire un petit tour avec le chien, (…) et en fait il ne faut pas 10 mètres pour que le jeune, dans le contexte d’une promenade où je suis plus vraiment l’infirmière, où il y a plus de bureau, il y a plus d’élève, il y a plus de… Et bah là en fait ce qu’il avait sur le cœur sort et en fait moi je l’écoute et des fois ça suffit. Et ça là ça me fait gagner un temps fou. Ça ça me fait gagner beaucoup de temps ».

Ainsi, la médiation de Naya permet de reconfigurer la situation de travail, de créer des déplacements et des décalages. Si les rôles et les fonctions restent les mêmes, et si au fond les acteurs savent très bien qui ils sont et pourquoi ils sont là, le contexte et ses « codes » amène un cadre qui peut entraver le travail que l’on a à faire ensemble. La configuration du lieu, les « casquettes », « réputations », sont autant d’éléments qui jouent sur la mise en confiance, sur le sentiment de sécurité, qui impressionnent, et la présence de l’animal dans ces cas là est un levier pour accéder à la parole du jeune, pour mieux comprendre ce qui se joue, et permettre ainsi de résoudre la situation en en ayant le maximum d’éléments et non un jugement de surface.

Réduire la distance, avec les parents comme avec les jeunes, pour créer la confiance nécessaire au travail

Naya rapproche les jeunes, les jeunes et les adultes, les adultes du lycée, mais également le fait qu’elle soit là joue sur les rapports avec les parents. L’infirmière c’est celle qui a le chien, elle est sans doute accessible alors…. « [les parents] ils me disent « ah mais c’est vous l’infirmière, [Steve] il me parle du chien. C’est vous qui avez un chien ? ». Voilà, je suis celle qui a un chien. Et ça, je vois bien dans les yeux des jeunes que je suis « la cool quoi », en fait ça me donne une image sympathique (…) donc ça aide à venir, à faire le pas si c’est dur de venir ici pour dire quelque chose. D’être en confiance avant même que j’ai ouvert la bouche. C’est ça en fait, j’ai encore rien fait que Naya elle instaure un climat de confiance ».

Des conditions de réussite

Un projet qui fasse réellement sens

La question n’est pas simplement d’amener son chien au lycée. Pour Nathalie, le risque et la limite serait d’avoir un projet mal défini, qui ne fasse pas sens, « Il faut s’assurer de bien baliser en amont le sens qu’on met à la présence animale dans l’établissement. J’adore venir au travail avec mon chien, je ne vais pas dénigrer ça, mais il faut y mettre du sens et le mettre en amont. Après, on peut faire des belles découvertes une fois sur le terrain, de ce qu’il apporte encore en plus. Mais si on n’y met pas un sens en amont, le risque c’est qu’on est juste avec un chien qui est là et qui n’est pas une ressource à proprement parler ».

… qui engage l’animal et son référent, voire au-delà !

Comme le souligne Nathalie, « Je pense que la personne qui trouve ça le plus génial c’est encore Naya. Depuis qu’elle a découvert qu’elle peut aller au travail avec moi, elle adore. C’est moi parfois qui la laisse au domicile parce que je pense qu’elle a été trop sollicitée et je veux qu’elle se repose, et elle est dégoûtée (…) c’est moi qui dois lui mettre ses limites (…) Quand elle arrive au lycée le matin, la première chose qu’elle fait c’est un hurlement de joie. Sa récompense c’est d’être sans arrêt l’objet d’affection ».

Un chien avec des qualités, des compétences, des diplômes…

Naya a un Certificat de Sociabilité et d’Aptitude à l’Utilisation (CSAU) et un Brevet d’Obéissance. Et comme le rapporte Joëlle, elle a des qualités professionnelles, c’est «  Sa douceur sa gentillesse, puis elle est un peu curieuse aussi donc (…) Jamais excité non, super calme » et Claire « elle est curieuse (…) elle ne va pas sauter sur les gens, elle est très très calme et du coup c’est agréable ». Ce que confirme les jeunes : « Naya ce n’est pas n’importe quel chien, ce n’est pas un chien qu’on peut croiser dans la rue. Elle a eu un diplôme de chien d’assistance il me semble, (…) elle un truc en plus, je sais pas comment le décrire mais elle a un truc en plus, où quand on va la voir, tous nos tous nos soucis, notre stress va partir et on va se sentir en fait à l’aise. On va se sentir comme si bah on avait aucun problème en fait ».

Les qualités professionnelles de Naya sont également soulignées par les jeunes pour qui « Naya ce n’est pas n’importe quel chien, ce n’est pas un chien qu’on peut croiser dans la rue. Elle a eu un diplôme de chien d’assistance il me semble, et en gros c’est pas une chienne comme les autres, (…) je sais pas comment le décrire mais elle a un truc en plus, où quand on va la voir, tous nos tous nos soucis, notre stress va partir et on va se sentir en fait à l’aise. On va se sentir comme si bah on avait aucun problème en fait. Et ce n’est pas une chienne comme les autres, parce qu’en fait elle va venir vers vous comme si elle sentait que vous avez besoin d’elle, elle va venir pour vous rassurer, pour, on va dire conseiller, alors que c’est un animal. Mais en fait on le comprend et on le sent qu’elle est là c’est pour notre bien ».

Et, qui n’est pas étiquetée chien éducateur social, « pour les élèves qui ne vont pas bien »

Pour Nathalie, ce positionnement est important dans la mesure où cela facilite le travail : « C’est un chien. Donc, bah, on se rend pas compte en fait qu’on met les pieds dans quelque chose d’aidant. Et, pour des jeunes qui sont souvent dans le refus des entretiens d’aide, enfin il y a une connotation encore négative des soins de la santé mentale, ou en fait là ils ne le savent pas et c’est tant mieux parce qu’ils se laissent amener sur des chemins de développement de leur personnalité, de leur confiance en eux, de l’estime d’eux sans même, le savoir. Donc la force en fait, c’est que Naya elle a pas d’étiquetage ».

Des élèves (et des adultes) qui jouent le jeu, mais n’est-ce pas autant une condition qu’une conséquence ?

La dernière condition que nous évoquerons est directement inspirée des jeunes, qui nous rapporte que la réussite du dispositif tient aussi aux jeunes : « c’est aussi grâce aux élèves, parce que si les élèves auraient été immatures, je pense que pour la sécurité du chien on ne l’aurait pas fait. (…) il y a un encadrement quand même, il y a des règles à respecter, (…) la confiance est quand même assez contrôlée. S’il n’y avait pas cette part de confiance, je pense que ça ne fonctionnerait pas parce qu’élève comme adultes on aurait été trop dans le doute et çà elle l’aurait senti Naya ».

Limites et vigilance

Le bien-être de l’animal

La première des limites, c’est la fatigue de l’animal, il faut être assez vigilant à pas le sursolliciter que le chien puisse avoir des zones de repos. Et, quand on sent qu’il est trop fatigué, il reste à la maison.

De la disponibilité et du temps pour faire un travail sérieux

La deuxième, qui rejoint la première, c’est d’avoir suffisamment de disponibilité pour l’animal : «  Je suis responsable de Naya au quotidien, et j’ai quand même pas mal d’activités, ça m’arrive de pas avoir le temps de la sortir pour qu’elle fasse ses besoins, et là pour le coup je suis obligée de stopper ce que je suis en train de faire, urgent ou pas urgent, parce qu’il faut que je la sorte, que je sois vigilante à son bien-être ».

Donner à voir le travail de médiation, un travail qui n’est pas perceptible de prime abord

Le travail de médiation n’est pas nécessairement visible pour les personnes qui n’y sont pas directement confrontés. Comme en d’autres occasions, l’ignorance peut amener rapidement à des jugements de valeur voire à des moqueries, quand bien même l’on ne sait rien de ce qui est en train de se faire, ou qui peut se jouer grâce à la médiation opérée au travers de la présence animale. Nous avons là un travail « invisible » qui a une portée concrète et une efficacité réelle, mais qui ne s’impose pas visuellement. Comme pour d’autres aspects fondamentaux en éducation, l’action efficace n’est pas toujours traduisible en indicateur de performance. La question de la sensibilisation de la communauté éducative est donc importante. Ainsi Nathalie nous relate cette anecdote ; « Ça arrive très très souvent que l’environnement, les adultes où les élèves, ne se rendent pas compte qu’on est en pleine médiation et qu’en fait il y a beaucoup de choses qui se passent grâce à Naya. (…) Je pense que quand on me voit me promener dehors, en train de balader mon chien avec un élève on se dit « ça va là, infirmière le boulot tranquille quoi !!!! Elle est en train de balader son chien dehors avec les élèves !!! », et en réalité c’est le travail de médiation. [Unetelle] justement me l’a dit il n’y a pas longtemps, parce que je lui faisais cette blague-là…: « quand tu me vois me promener avec des élèves, tu dois te dire que je ne dois pas faire grand-chose !!! ». Et, elle, elle me répond « En fait non, parce que un jour je t’ai emmené un élève qui m’avait tenu des propos suicidaires et qui voulait plus trop parler. Je te l’ai amené, tu lui as dit « bah allez, viens avec moi on va se promener avec Naya elle doit faire ses besoins…», et là j’ai compris que quand tu marches avec un élève, là c’était parce que tu avais besoin de désamorcer quelque chose et ,après donc ce jeune a été hospitalisé »…

Les élèves « phobiques des chiens »

Une autre limite qu’il faut considérer, concerne les jeunes qui se disent phobique des chiens. EN début d’année, Nathalie (lors de la signature de la charte) et Claire la CPE, demandent aux jeunes de le signaler. Mais cette limite ne semble pas vraiment en être une car « En général, ça ne dure pas très très longtemps une fois qu’ils ont fait la connaissance de Naya. En fait souvent, ils ont peur des chiens errants qu’ils ne connaissent pas, et Naya est tellement calme, si on ne l’appelle pas elle ne vient pas spontanément nous embêter, donc ils se rendent vite compte qu’elle n’est pas un danger. Très rapidement, ils n’en ont plus peur et puis en fait finalement, ce n’est pas rare que ça devienne le seul chien avec qui ils arrivent à avoir un contact ». Claire évoque également ce point : « La seule limite que j’y vois, c’est si les élèves ont peur des animaux. (…) il y en a oui, mais pas beaucoup, et je crois que le fait que Naya soit là, ça les aide aussi à se rendre compte que tous les animaux ne sont pas tous des chiens dangereux agressifs ou malveillants ». Encore une dimension éducative qui apporte confiance en soi.

Conclusion

La présence de l’animal, de Naya, ne remplace pas le travail des adultes et ne saurait se substituer à un projet pédagogique et éducatif. Nous le voyons bien, il ne s’agit pas de confier le jeune (le problème ?) à Naya pour qu’elle le redonne une fois qu’il serait « réparé ». Pour le dire autrement, il ne suffit pas d’introduire un animal pour régler tous les problèmes qui peuvent se poser dans la vie d’un établissement. Les situations restent là, il faut y apporter une réponse. En revanche, c’est un plus, une ressource complémentaire qui vient au service d’une démarche globale en faveur des réussites des jeunes. La médiation de l’animal, d’un animal qui a ses qualités propres, avec des compétences (celles de sa référente notamment, mais aussi un cadre d’action (charte, convention, assurance), devient une ressource pour faire vivre la fonction de médiation et d’éducation qui portent l’ensemble de la communauté des adultes. D’ailleurs, il nous semble bien, au travers des témoignages divers, que la présence agit également dans un rapprochement des adultes pour faire vivre ces fonctions et apporter vie, calme et sérénité dans l’établissement dans l’objectif d’accompagner les jeunes à ancrocher dans leur formation.

Pour en savoir plus, nous vous proposons de visionner les témoignages vidéo ci-après

Rédacteurs
  • Nathalie Mouellic, infirmière, cheffe de projet, lycée agricole du gros chêne à Pontivy
  • François Guerrier, mission nationale d’appui à l’enseignement agricole, L’institut Agro Rennes Angers Eduter.

Janvier 2025

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Mots-clés : Autonomie, Décrochage Ancrochage, Insertion, Motivation, engagement, Projet d’établissement, Tutorat, soutien, accompagnement, Vie scolaire

Voie de formation : Voies mixtes
Niveau de formation : Tous
Initiative du dispositif : Locale
Structure d’appui : Etablissement National d’Appui
Etablissement National d’Appui : Agrocampus Ouest
Action du Dispositif National d’appui : Ancrochage

Référent : Emmanuelle Zanchi ,emmanuelle.zanchi@agriculture.gouv.fr

Etat de l’action : En cours
Nature de l’action : Innovation

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Date de publication:
Auteur: nath Def