Résultat de la recherche avancée de témoignage
Un observatoire participatif pour concevoir et diffuser des stratégies de lutte alternatives contre les ravageurs des cultures.
MFR de Fougères, Bretagne
1 Rue des Cotterêts,
35300 Fougères
Tél : 0299948400
Site web : http://www.mfr-fougeres.fr/
Responsable : Henri-Claude Gautier , mfr.fougeres@mfr.asso.fr
Rédacteur de la fiche : François Guerrier, DNA
, francois.guerrier@agrocampus-ouest.fr
Chef de projet : Estelle Meslin , estellemeslin@yahoo.fr
DESCRIPTION SYNTHETIQUE DE L’ACTION
A l’origine du projet
Depuis une dizaine d’année, le monde agricole est confronté à une recrudescence des dégâts sur les cultures (maïs, pomme de terre, etc..) par les larves de taupin. L’observatoire participatif des taupins est une action menée en partenariat entre l’INRAE et la MFR de Fougères. Il prend racine dans le projet Ecophyto STARTAUP, pour STratégies Alternatives aux néonicotinoïdes dans la maîtrise de la nuisibilité des TAUPins sur culture de maïs, (https://www6.inrae.fr/startaup ). Coordonné par l’INRAE (Ronan Le Cointe et Sylvain Poggi, Centre INRAE Bretagne-Normandie, UMR IGEPP, Rennes / Le Rheu), ce projet s’inscrit dans une démarche de sciences participatives associant acteurs de la recherche et acteurs de l’enseignement dans l’objectif commun de produire la connaissance nécessaire à la compréhension et à la prévision du risque de dégâts causés par les larves de taupins.
Enjeux et intérêts des parties prenantes
Par cette coopération, la démarche d’observatoire participatif vise à augmenter l’échantillonnage de l’INRAE, à faciliter le recueil et le traitement de données sur le taupin, afin de produire des connaissances pour prévoir le risque de dégâts causés par les larves de taupins en culture de maïs.
Pour Ronan Le Cointe, la coopération avec un établissement d’enseignement agricole comme la MFR de Fougères est intéressante parce que STARTAUP est aussi un dispositif d’acquisition de données : « Le problème c’est la larve de taupin qui reste entre 2 et 5 ans dans le sol et qui va engendrer des dégâts, principalement sur des cultures sarclées comme le maïs, ou la pomme de terre (…) pour connaître les niveaux d’infestation des différentes parcelles et les différents facteurs qui vont expliquer ces différentes infestations, on a besoin de collecter et d’échantillonner sur beaucoup de parcelles, et ça prend beaucoup de temps, donc ça coûte énormément d’argent. Et donc avoir une démarche participative pour recueillir de la donnée, c’est très intéressant ».
Du point de vue de l’établissement d’enseignement, l’enjeu est de proposer une pédagogie de projet susceptible d’engager et d’intéresser les élèves à s’approprier des matières un peu nouvelles pour eux, comme l’agronomie. Là, le projet s’adresse aux élèves de seconde professionnelle et, comme le précise Floriane Bonnard, formatrice en agronomie et mathématique, « [les élèves] sont en début de la seconde donc ils découvrent pour la plupart l’agronomie, même si certains sont issus du monde agricole, et donc ils connaissent un petit peu. Mais d’autres pas du tout (…). Donc on part du début, c’est de la découverte et c’est de la découverte par le terrain (…) on va ensuite pouvoir approfondir en cours. (…) on voit la pratique, on voit rapidement ce que c’est que le taupin ce que c’est que le ravageur et ensuite on va dire ça en cours sur les stratégies de lutte contre les ravageurs. L’action permet d’avoir une approche terrain qui est intéressante pour les élèves, et non pas l’approche classique on va dire, de cours où on défile le cours et ensuite on voit des exemples. Là on voit des exemples et ensuite on fait les apports de cours sur les exemples que l’on a vu ensemble ». Sa collègue de biologie écologie est également impliquée pour l’occasion, le « projet Startaup » leur offrant un cadre expérientiel professionnel, qui doit permettre aux élèves de mieux percevoir le sens des enseignements à venir au regard des problèmes qui se posent aux exploitants, et plus largement sur les impacts des pratiques sur les ressources communes (biodiversité, eau, sol, etc..). La possibilité d’être « actif », de se rendre utile, de comprendre en quoi c’est important de s’intéresser au sol et de faire des recherches, sont autant de leviers qui doivent renforcer l’appropriabilité de la démarche par le plus grand nombre.
Le partenariat est gagnant-gagnant. Cela apporte une plus-value pour les élèves dans leurs apprentissages, et à travers eux, pour leur maître de stage qui sont aussi des agriculteurs du territoire. Cela apporte aussi une plus-value pour le projet puisque ça permet d’augmenter le nombre de données collectées. A la rentrée 2020, l’observatoire participatif entre dans sa deuxième année d’expérimentation. Le témoignage ci-après s’appuie sur les propos recueillis lors de la journée de lancement de la campagne d’échantillonnage 2020/2021.
Description et déroulement du dispositif pédagogique lié au projet Startaup
Dans la séquence pédagogique proposée, l’ambition est de former les élèves à la méthode d’échantillonnage, tout en collectant des données sur les taupins qui vont venir enrichir la base de données du projet de recherche piloté par l’INRAE. Les données enregistrées doivent permettre d’améliorer la connaissance du taupin et contribuer à l’amélioration des stratégies culturales.
L’équipe projet
- Jean-Bernard Fretay et Floriane Bonnard, formateurs à la MFR de Fougères,
- Estelle Meslin, enseignante dans l’enseignement agricole, et consultante au côté de l’INRAE et de la MFR pour organiser et co-animer les temps forts du dispositif pédagogique adossé à l’observatoire participatif,
- Ronan Le Cointe, Centre INRAE Bretagne-Normandie, UMR IGEPP, Rennes / Le Rheu,
Le déroulement
L’action se déroule d’octobre à décembre, l’idée étant de regrouper les temps forts sur une période assez ramassée afin de maintenir un rythme qui mobilise et évite la perte de sens pour les élèves.
Le point de départ de l’action a lieu sur le site de l’INRAE. Il s’agit de présenter l’INRAE et les acteurs du partenariat, et « comme les élèves ne connaissent pas forcément un institut de recherche, c’était bien de venir sur le terrain pour qu’ils puissent découvrir l’INRAE». Là, l’équipe projet présente Startaup, avec ses enjeux et ses buts, comment cela va se dérouler (les étapes, les actions, les taches), et l’implication attendue des élèves (leurs rôles, ce que l’on attend d’eux). Lors de cette journée, les élèves prennent connaissance des pièges à taupins, et s’essayent à les manipuler, à faire des comptages. Plusieurs enseignements sont prévus en parallèle de l’action pour accompagner le projet : en venant par exemple renforcer certains temps forts, par exemple celui consacré à apprendre à utiliser des clés de détermination.
Une première période de stage permet la collecte d’informations sur la ferme, données qui seront réutilisées pour préparer le protocole. Il s’agit de ramener une photo satellitaire de sa parcelle, et certaines données comme l’historique et la conduite de la parcelle, les coordonnées GPS, et d’y positionner l’emplacement des pièges. Pour Floriane, c’est l’occasion pour les élèves de renseigner leur livret et « d’aller chercher des informations pour comprendre les cultures du maître de stage. Chercher des informations sur l’exploitation et essayer d’avoir différentes informations sur différentes cultures ». Autant de points utiles pour améliorer sa connaissance de l’exploitation, être à même d’en discuter, et de s’entrainer à recueillir des informations pour le rapport de stage.
Puis, les élèves retournent sur leur ferme pour installer les pièges à taupins. Le protocole est relativement simple, il s’agit de choisir au sein d’une parcelle 2 points d’échantillonnage :
- un point qui est plutôt en bord de parcelle,
- un second éloigné de 25 mètres du centre la parcelle.
L’élève fait un trou dans la terre d’environ 20 cm, positionne son piège, qui est laissé en place en terre pendant 10 à 15 jours.
A l’issue de cette période, l’élève déterre ses pièges, et les ramènent à la MFR pour procéder à leur décorticage en présence de Renan Lecointre (INRAE). Là, chaque élève dispose d’une table pour décortiquer ses pièges, procède au décompte du nombre de larves, et à l’aide de la loupe binoculaire et à partir des clés de détermination, va essayer de déterminer le genre et l’espèce de chaque larve.
Un livret pour documenter sa pratique
Pour soutenir leur démarche, les élèves disposent d’un livret, qui a pour fonction de matérialiser l’expérience et de garder en trace leur participation dans la campagne d’échantillonnage. Ce livret est un outil unique pour compiler les données collectées et consigner les interprétations des résultats qui seront présentés au maître de stage. Ce livret revêt une fonction importante, comme l’évoque Estelle Meslin : « je me suis mis à la place des élèves et je me suis dit que ce serait bien d’avoir un petit dossier qui soit esthétiquement propre et agréable à regarder car c’est ce qu’il restera comme trace de leur participation dans la campagne d’échantillonnage et c’est ce livret qu’ils auront à présenter à leur maître de stage (…) c’est ce qui leur permet de ne pas se perdre, mais aussi de pouvoir centraliser et de matérialiser tous leurs efforts qui seront fait par rapport à ce projet ».
Enfin, les élèves comparent leurs données et émettent des hypothèses explicatives sur la présence ou non de taupins, et leurs résultats sont présentés lors d’une journée de restitution et de comparaison collective qui a lieu à la MFR, à laquelle les maîtres de stage sont invités. A cette occasion, l’INRAE apporte également un regard sur les données recueillies.
La conduite de l’action
Les objectifs et intentions pédagogiques
Ces intentions et objectifs sont formalisés dans un document qui est conçu et mis à jour chaque année par Estelle Meslin. Il présente le dispositif dans sa globalité et traduit en quelque sorte l’accord entre le projet Startaup et l’équipe pédagogique.
Mobiliser une situation qui permette de partir de l’expérience pour ensuite revenir à un temps de théorisation.
La situation pédagogique proposé par la participation à l’observatoire des taupins permet de raccrocher différentes disciplines dans la mesure où les connaissances et capacités qui sont convoquées dans l’action facilitent la construction de sens pour les élèves. Plus qu’une visée bien spécifique de certaines connaissances, il s’agit de créer un environnement propice à travailler différentes disciplines et connaissances en permettant aux jeunes de donner du sens à leurs apprentissages et à leur travail, et ce dans une perspective systémique. C’est par exemple une façon d’amener à découvrir l’agronomie, une discipline nouvelle pour la plupart des élèves de seconde, y compris pour certains élèves issus du monde agricole, mais également d’introduire par la pratique des éléments de discussion autour des stratégies alternatives aux néonicotinoïdes, de leurs conséquences, comme le confirme Florian Bonnard : « C’est une découverte de l’agronomie, ils ne connaissent rien. Donc on part du début, et c’est de la découverte par le terrain donc c’est super intéressant. Ils commencent par voir sur le terrain et on va ensuite pouvoir approfondir en cours. On voit la pratique, on voit rapidement ce que c’est que le taupin ce que c’est que le ravageur et ensuite on va dire ça en cours sur les stratégies de lutte contre les ravageurs. L’action permet d’avoir une approche terrain qui est intéressante pour les élèves, et non pas l’approche classique on va dire, de cours où on défile le cours et ensuite on voit des exemples. Là on voit des exemples et ensuite on fait les apports de cours sur les exemples que l’on a vu ensemble ».
Une situation qui offre de nombreuses potentialités d’apprentissages
La situation ainsi décrite nous semble correspondre à une situation à fort potentiel d’apprentissage tel que peut la décrire Jean-François Métral (Métral 2014), dans la mesure où les actions réalisées par les élèves sont reprises en cours d’agronomie, de biologie-écologie (par exemple pour l’analyse des larves), mais également en mathématiques : « Je fais aussi partie des enseignants de mathématiques dans une des classes de seconde, où il y a un programme de statistiques, donc forcément cela fait partie aussi des choses que l’on va pouvoir réutiliser avec les formateurs en mathématiques, car cela offre des jeux de données que les élèves auront créés eux-mêmes donc ça rend l’exercice plus intéressant. On va pouvoir faire des moyennes des calculs d’écart-type, etc… ». Enfin, pour ce qui est du lien avec la transition agroécologie « Et bien là, c’est évident. Le projet Startaup intervient sur l’interdiction des néonicotinoïdes, qui sont dans les produits utilisés contre les taupins. Donc là le lien, il est clair. On n’a pas encore vu tout ça avec les élèves, mais ça arrive ! Et c’est des choses qu’il faut qu’ils apprennent à connaître, car des changements, il y en aura d’autres et donc il faut qu’ils apprennent les méthodes pour justement … et bien, comment on s’adapte au changement ! ». Autrement dit, l’expérience de recherche est également une acculturation pour apprendre à s’adapter et à faire évoluer ses pratiques en étayant sa démarche.
En relation avec les capacités du référentiel ?
En concertation avec l’équipe pédagogique de la MFR de Fougères, Estelle Meslin a veillé à être proche des intentions du référentiel de formation, sans pour autant en faire un lien trop direct ; « même si intuitivement, on voit bien la plus-value, etc…, on n’a pas encore exactement bien verbalisé ou conscientisé le truc. Mais il y a aucun doute que par rapport aux capacités qui sont les sujets du bac pro on soit dedans ». Nous pensons ici aux capacités C1, C4, C5, C6 et C7, qui semblent particulièrement interpellées dans la situation d’apprentissage. Ce lien et cette relation au référentiel est toujours un point sensible ; il est parfois compliqué d’aider les élèves à réaliser que ce qu’ils sont en train de faire et d’apprendre est en rapport avec le développement des capacités visées -et certifiées- par le référentiel et que par conséquent, comme il s’agit de référentiel de formation professionnelle, l’activité pédagogique à laquelle ils participent s’inscrit bien dans la dynamique de l’apprentissage du métier.
Autre point de vigilance, « on avait en tête avec l’équipe pédagogique qu’il ne faut pas que ce soit perçu par les élèves comme étant un travail en plus. Donc on n’évoque pas la construction capacitaire sur, sur ce moment-là. Mais on a plutôt travaillé en amont sur l’inclusion de cette action dans l’enseignement ordinaire, au sein au même du dispositif pédagogique. En amont, à partir de ce qu’il y avait à faire, nous nous sommes dit : « qui peut se saisir de tel ou tel aspect ? Quelle discipline, quel enseignement peut être mobilisé à tel niveau ? Et là-dessus l’équipe a pleinement joué le jeu. Parce qu’au moment de la campagne, il va y avoir des mathématiques avec le calcul des moyennes, des écart-type, il va y avoir des choses au niveau de l’agronomie et de la biologie avec les clés de détermination des insectes, etc… ». Un travail d’anticipation qui s’appuie largement sur la première année et sur l’évaluation de ce qui s’était passé, et qui plaide sans doute pour installer l’action dans la durée : « On a fait ce travail plus en amont du déroulement du projet, plutôt que de le faire au fur et à mesure. L’année dernière on avait moins d’avance que cette année. Là on a plus de coups d’avance ce qui nous a permis de vraiment intégrer cette action avec la progression pédagogique et ce dans plusieurs disciplines, et donc tendre pour animer l’action dans l’ordinaire des cours ».
Un travail mené avec les élèves de seconde
Des jeunes qui apprécient les pédagogies actives
L’observatoire implique des jeunes en seconde production, qui vont poursuivre dans le cycle de bac pro CGEA. Elles et ils sont en alternance, une quinzaine sur deux chez leur maître de stage. Ce sont eux qui mettent en place la campagne d’échantillonnage chez leur maître de stage, en relation avec leur équipe pédagogique. Ce sont des élèves qui ont choisi la formule de l’alternance car comme le dit Théo : « ce qui m’intéressait, c’était d’aller sur le terrain pour apprendre encore plus de choses qu’en cours (…) de pratiquer, de voir vraiment », et comme le précise Paul de « voir comment ça se passe pour pratiquer en même temps le métier (…) quand on est en cours, on voit comment il faut faire, mais là on peut pratiquer la chose comme on nous dit de le faire ». Une volonté d’apprendre et d’être attentif à ce que fait le maître de stage « les petites techniques qu’il utilise et puis il peut toujours nous apprendre des choses que nous on ne connaît pas, même en étant en fils d’agriculteur comme moi. On ne connait pas tout » et d’être dans l’action car « on n’attend pas qu’on nous dise de faire, il faut prendre des initiatives ». Ainsi, il semble bien que ces élèves recherchent à apprendre et comprendre, et pour cela apprécient d’établir une relation directe et immédiate entre leurs actes et leurs décisions et les effets.
L’appropriation du rôle et des enjeux : de la connaissance du taupin à celle du protocole
Le but de la recherche est clairement exprimé par Théo : « Et bien c’est au début, sur le maïs avant les 6 feuilles, que le taupin mange les racines du maïs. Du coup le maïs se fane, il se trouve foutu (…) , ça peut détruire une culture. Donc ça ne sert à rien de replanter après dessus s’il y a du Taupin. Donc après faut trouver une solution pour voir comment faire pour pas faire pareil », et Paul : « Donc c’est pour ça qu’on place des pièges taupin, pour voir s’il y en a dans les champs des maîtres de stage. »
Pour installer le protocole, certains paramètres sont mis en avant : « on a vu que dans certaines parcelles, il y en avait bien plus que d’autres », « en priorité ça va être au mois d’octobre et puis aussi dans les champs humides car le taupin, il aime bien l’humidité ». « (…) et puis s’il y a un précédent de prairie. Derrière la prairie quand on a un planté un maïs et bien il y a souvent du taupin ».
Aussi, le rôle de chacun sera de « faire notre propre piège, et puis les installer chez les maîtres de stage », le piège, « c’est à moitié comme un pot, un pot de jardinerie avec des trous dans le pot », et puis ensuite « nous avec le maître de stage, mettre le piège à taupin dans le champ, et au bout de 15 jours, on l’enlève, puis ensuite, il va falloir les analyser pour voir s’il y a du taupin dans les pièges, et cela informera les maîtres de stage pour savoir s’ils ont dû taupin dans leur champ ».
L’engagement des élèves
Toutes les activités engagent-elles les élèves ?
Dans les points de vigilance, Floriane souligne que les jeunes sont au tout début de la seconde et manquent de connaissances techniques et de de vocabulaire, donc il faut y faire attention pour ne pas les perdre : « Il y a forcément des moments où ils sont plus attentifs que d’autres. Ils sont toujours très attentifs sur la pratique, car là c’est eux qui font, et là, ils sont à fond. Et puis ensuite sur le décorticage des pièges, ils ont tous joué le jeu à 100 pour 100. Sur l’explication du projet également, il se sentent impliqués et ils ont été attentifs. Après sur le côté moins attentif… Cela va surtout être quand on est sur des apports et des précisions plus pointues, des définitions plus précises qu’on peut les perdre, avec des termes qui ne connaissent pas encore (…) pour garder l’attention des élèves, il faut s’adapter un maximum à leur niveau de connaissances. Et donc adapter notre discours à leur niveau de connaissance et de commencer avec l’exemple pour aller ensuite vers de l’application en cours. Mais par contre, il ne faut pas les perdre au début sur des choses très… trop spécifiques ».
Les « indices de l’engagement »
Pour les acteurs l’engagement des élèves est perceptible au travers de leurs actions. Ainsi, Estelle a « beaucoup apprécié de sentir de la réactivité de la part des élèves. Je les ai sentis prêt à s’investir dans la campagne. Pour moi, un des critères de réussite, ce serait que chaque jeune ressente de la fierté à donner à son maître de stage le livret avec l’ensemble de ses données, résultats et de ses interprétations. (…) j’ai senti une certaine proactivité dans les échanges. Les élèves ont posé beaucoup de questions. Un moment, on leur a fait décortiquer des pièges qui avaient été posés au préalable, et on a vu et on a senti des élèves amusés de chercher dès le début, d’aller chercher ses pièges et de les ouvrir, d’aller chercher les larves, et ensuite d’attraper la loupe binoculaire pour essayer de voir à qu’elle espèce appartenait ces larves. Donc on a bon espoir qu’en renouvelant cette opération -et en plus sur des parcelles du maître de stage- cela les motive pour obtenir des résultats et les transférer chez leur maître de stage ».
Un point de vue qu’Eric Plaze, chargé de mission animation des territoires et de développement expérimentations/innovations à la Draaf Bretagne partage : « il y a vraiment là un moyen intéressant pour motiver des élèves qui viennent d’horizon divers. On est avec des jeunes de seconde, et donc des jeunes qui ne connaissent pas forcément bien le sujet, mais voilà les apprenants se sentent impliqués, responsabilisés, et du donc ils sont mobilisés et cela se mesure déjà. Et ça en soit, c’est déjà un succès. Après on verra à la fin du projet Startaup si le fait d’avoir démultiplié les prélèvements en passant par des établissements a permis de récupérer plus de données par rapport au problème des taupins. Mais sur la question pédagogique, je vois qu’il y a déjà des acquis indéniables ».
Des conditions de l’engagement
Pour Estelle Meslin, l’un des points clés réside dans l’enrôlement des élèves, c’est-à-dire de faire en sorte qu’ils se sentent concernés par le projet, et cela se joue tout particulièrement lors de l’étape de préparation de la campagne d’échantillonnage : « On les associe à la réflexion et aux choix qu’ils sont obligés de faire pour mettre en œuvre la campagne. C’est-à-dire plus précisément, ils vont participer au choix des parcelles à échantillonner chez leur maître de stage, ils vont eux-mêmes chercher le nombre de pièges qu’ils vont devoir fabriquer et puis ensuite, ils vont fabriquer des pièges et les déposer eux-mêmes quand ils vont être en stage chez leur maître de stage (…) on les associe à la réflexion en leur apportant les éléments et les contraintes induites par le protocole, mais on essaie de ne pas être trop directif, pour qu’ils aient une part pleinement active dans le processus de décision. Et puis après, une fois que tout est calé en amont, ce sont eux qui vont en autonomie et en stage vont poser les pièges dans la parcelle, et qui relèveront les pièges 15 jours plus tard ».
Les jeunes sont parties prenantes, ils occupent une place « centrale » dans le dispositif, et ils sont considérés à plusieurs titre :
- Ils mettent en œuvre le protocole et participent à un travail scientifique. C’est une responsabilité qui leur est confié, et c’est aussi un gage de confiance,
- Ils apportent une expertise que n’ont pas les adultes, celle de la connaissance de leur exploitation de stage (localisation, caractéristiques agronomiques, choix de cultures, etc…).
Côté INRAE, pour Ronan le Cointe le constat est également de s’appuyer sur la capacité d’action et de décision des élèves, sur leur participation : « Moi, je trouve que c’est toujours intéressant quand on a des questions, et puis quand on a des réactions. Et c’est particulièrement intéressant avec les élèves du réseau de MFR notamment, car ils sont très actifs et très moteurs dans la prise de décisions. Ça pour le coup, c’est très intéressant. (…) par exemple, on commence la 2e édition de ce dispositif, et lors de la première édition et bien ce sont les élèves qui ont décidé des dates d’échantillonnage. Ce sont les élèves qui ont en fait organisé la campagne d’échantillonnage au final, car ils connaissaient leur planning, ils savaient quand est-ce qu’ils étaient chez leur maître de stage, et à un moment donné ils ont dit : « et ben monsieur on peut faire ça là … ». Et ça c’est génial. C’est super. Et puis ensuite, c’est eux qui choisissent dans quelle parcelle ils vont aller échantillonner. C’est le côté participatif du projet, et l’idée c’est de le développer au maximum (…) Et là nous, on les prend dans le dispositif avec l’idée de les prendre vraiment comme des futurs d’agriculteurs et de discuter avec eux sur différentes stratégies de gestion des ravageurs et de protection intégrée des cultures, comme avec quelqu’un qui serait déjà en place quoi ».
Des critères de réussite pour les acteurs
Pour les élèves, le principal est d’apprendre, en relation avec la pratique professionnelle : « s’il y a des choses intéressantes avec de la pratique… que ce soit bien organisé », et « par exemple pour m’apprendre des choses qu’on ne connaissait pas auparavant », « comme ce qu’il pourra y avoir après dans nos champs, si on s’installe en agriculture ».
Un objectif partagé par Floriane pour qui le projet sera réussi « dans le sens où les élèves auront appris. Et ça, j’en suis persuadée. Déjà je sais qu’aujourd’hui ils ont appris beaucoup de choses et cela va continuer aussi par la suite car ils vont devoir fabriquer et construire leurs pièges et les installer chez les maîtres de stage. Faire leur dossier de recherche etc… Donc ils vont beaucoup apprendre dans ce projet, ça c’est le premier objectif, je dirais. Et le deuxième, je dirais qu’il est du côté de l’INRAE, si on s’associe avec l’INRAE, c’est aussi par rapport au projet de recherche Startaup, et donc les données recueillies par les élèves vont permettre au dossier de recherche de progresser sur la connaissance du taupin ».
Pour Eric Plaze, il s’agit plus de prospective, à savoir de « voir comment on peut démultiplier en nombre et voir ce que cela induit. Mais il y a cette question de moyens qui se pose, et il faut aussi une équipe un peu soudée en établissement, des moyens et des capacités logistiques et d’organisation ».
Avoir contribué à installer une situation pédagogique apprenante et mobilisatrice, qui permettre de concilier et de tenir les enjeux de l’INRAE et ceux de la MFR est de fait le critère de réussite pour Estelle Meslin, qui coordonne l’action sur le plan pédagogique. Un point de vue qui est largement partagé par Ronan Le Cointe pour qui la réussite de l’action s’appréciera : « au nombre de parcelles qui seront suivies, à la réaction et la participation des élèves aussi, même si on sait que l’on n’aura jamais 100 % d’adhésion, mais le fait que les élèves soient moteurs justement dans le projet est dans la démarche… Et troisièmement (…) de voir sur le côté scientifique et technique, si vraiment le dispositif sert à de la prédiction et sert les agriculteurs derrière. On essaie d’améliorer les choses pour rendre le dispositif le plus utile possible ».
Un observatoire participatif pour générer des situations à haut potentiel d’apprentissage ?
Suffirait-il de s’adosser ou de s’associer à un dispositif de sciences participatives pour faire apprendre, voire de faire apprendre autrement ? Il ne s’agira pas ici d’apporter un regard conclusif ni sur l’action Startaup, celle-ci étant en cours, ni sur l’énoncé de la question. Toutefois, Il nous semble que si l’action porte en elle un intérêt et un fort potentiel pédagogique, la réussite de celle-ci repose sur la mise en œuvre d’un ensemble d’attitudes (curiosité, confiance, reconnaissance…) et d’aptitudes (anticipations, organisations, régulations…), qui sont le fruit des compétences individuelles et collectives que déploient les acteurs en coopérant autour de la réussite de ce projet.
Aussi, nous nous proposons de rappeler en les ramassant, quelques-uns des éléments qui nous semblent développés par l’équipe projet (Enseignants et direction de la MFR, Estelle Meslin -consultante- et l’INRAE) pour concourir à la réussite de cette l’action :
- La présente d’un protocole établi, fiable, porté par l’Inrae, qui répond à des critères ergonomiques d’utilité, utilisabilité et d’appropriabilité ; Il est possible assez facilement pour ces élèves de comprendre le sens, ce qui est attendu d’eux, l’enjeu du projet, et de se sentir en capacité de faire ce qui leur est demandé de faire.
- Un travail de formalisation et d’appropriation-traduction entre le projet Startaup et le collectif d’enseignants ; Il se matérialise autour d’un dispositif construit et séquencé. Ce travail, animé par Estelle Meslin a permis semble-t-il à ce que chacun puisse trouver sa place, l’intérêt du travail au regard de sa discipline, et comment il ou elle pourrait remobiliser l’action. Autrement dit, si les enseignants savent où et comment ils vont aller, il y a fort à parier que ce sera le cas pour les élèves. Cela signifie qu’ils ont pris ce temps… qu’ils ont pu le prendre ?
- Une attente et une mise en responsabilité de la part d’acteurs professionnels (Inrae) pour contribuer à une production qui a de la valeur et qui compte aux yeux de différents acteurs : l’Inrae, mais aussi les maîtres de stage et au-delà la profession agricole. Nous sommes sur un travail « vrai », qui compte et pour lequel les professionnels accordent leur confiance et expriment des attentes. Il s’agit de la valorisation de son action, le sentiment d’utilité et sans doute que cela agit sur l’image de soi (si mon action vaut quelque chose aux yeux des autres, alors sans doute que ma personne également),
- Une espace de travail « en commun ». L’action est conduite « ensemble » et les enseignants sont au côté des élèves pour réaliser ce qui est attendu par l’Inrae. Il y a une situation qui est partagée et enseignants et élèves se trouvent placés dans l’expérience. Plus précisément, à aucun moment les acteurs ne semblent se situer en réel surplomb des autres. Chacun semble reconnaitre et considérer les compétences et l’apport de l’autre à la réussite du projet commun. Et cela se traduit dans des actes : par exemple le fait que ce soit les élèves qui aient décidé du protocole, en se sentant autorisés à apporter un point de vue sur la proposition initiale.
- Participer à produire des connaissances (le challenge de l’observatoire), mais également s’enrichir de connaissances et de savoirs nouveaux qui renforcent sa capacité à agir et à comprendre ; et c’est vrai pour l’ensemble des acteurs. Chacun à sa position est conscient d’apprendre -pour soi- et d’apprendre -aux autres-. Il nous semble qu’il y a dans ce témoignage une réelle possibilité d’échange et de partage, qui se traduit par une co-production.
- … et sans doute d’autres points clés que vous aurez relevés à partir des paroles des différentes intervenants !
Pour en savoir plus sur cette action, nous vous invitons à contacter Estelle Meslin ou Ronan Le Cointe
François Guerrier, Institut Agro, Agrocampus-Ouest, février 2021
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Date :4 mars 2021
Mots-clés : Agroécologie, Décrochage Ancrochage, Motivation, engagement, Partenariats, Pédagogie de projet, Sciences participatives
Voie de formation : Voies mixtes
Niveau de formation : IV (Bac pro, Bac général)
Initiative du dispositif : Locale
Structure d’appui : Cabinet conseil & formation associé à l’action
Référent : Erice Plaze ,eric.plaze@agriculture.gouv.fr
Etat de l’action : En cours
Nature de l’action : Innovation
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